C214 : l'Overdose
Samedi 8 novembre
Jean Noyes et Amalgame
On peut dire que ceux qui prennent plaisir à
descendre dans ce trou ont un gout particulier pour la spéléo. Une approche de
l'activité qui tend doucement vers le masochisme. Je dois avouer que je fais
parti de ceux-là. Dans cette cavité, tous les ingrédients sont réunis pour
passer une agréable journée : trou étroit, glissant, froid, boueux et vicieux.
Vicieux parce qu’il nous propose plusieurs options que nous exploitons une par
une et qui nous incitent à en reprendre à chaque fois une dose.
Reprendre une dose pour déséquiper la branche
explorée l'été dernier et qui semblait si prometteuse, reprendre une dose pour
explorer celle entrevue il y a deux semaines encore défendue par une salle
étroiture en tête de puits. Aussi, ce samedi soir, nous sommes trois junkies
(Thibault, Maxime et Jean) à nous présenter au chalet de l'Arsip, notre salle
de shoots à nous. Et nous sommes en manque. Comprenez, nous sommes remontés à
bloc prêts à en découdre avec le 214. En effet, si la branche explorée cet été
semblait prometteuse, elle ne se dirigeait pas dans la bonne direction. Or,
cette fois, la suite tant convoitée semble partir dans le bon sens ! De plus,
tous les Amalgamais autour de nous, nous persuadent qu'après avoir jeté les
cordes sur une centaine de mètres nous allons courir dans la rivière. En m'endormant
dans mon duvet ce Samedi soir j'entends encore dans ma tête résonner l'accent
de Régis, chez lequel on est passé récupérer du matos, qui me dit "laisse
nous courir un peu dans la Rivière".
La Rivière c'est le Saint Graal. Un
peu comme pour nous le "Synclinal" à Saint Pé !
Si deux semaines auparavant nous étions en mode
crème solaire et T-shirt, ce dimanche matin c'est ambiance onglet et doudoune
au départ du col de la Pierre Saint Martin. D'autant plus qu'il a neigé et que
par moment on se dit que l'on serait presque mieux en ski qu'en bottes pour
réaliser la marche d'approche. Après 45 min d’errance dans le brouillard, nous
sommes à l'entrée de la Sima de la Niebla. Le gouffre n'a jamais aussi bien
porté son nom. Nous sommes seuls dans le froid, prêt à nous faire engloutir par
la Niebla. Nous nous laissons glisser le long des cordes et des parois boueuses
sans savoir à quelle sauce nous allons être mangés. Je prends un peu d'avance
et quand mes deux compagnons me rejoignent à l’étroiture de -300, tout est prêt
pour rendre le passage un peu plus confortable.
Nous nous y reprendrons plusieurs fois et
l'accumulateur du Hilti y passera.
Le temps pour Maxime d'apprécier le courant d'air et de regretter de ne pas avoir encore acheté une Burkannette ! Enfin, nous pouvons passer sans nous contorsionner.
C'est à moi que revient l'honneur d'équiper,
Thibault ne le souhaitant pas et Maxime ne le sachant pas. J'ai une pensée pour
tous ceux qui ont œuvré dans ce trou. Le travail de désobstruction me laisse
toujours dubitatif quand je passe devant l’impressionnant talweg de gravats à
la base du puits d'entrée. Le premier puits estimé à une quarantaine de mètre
est très joli, circulaire et vertical, il nous avale déjà deux cordes.
A la base, une étroiture infranchissable d'une
dizaine de mètres, inclinée et légèrement remontante offre un seul passage
providentiel à taille humaine. Ce passage permet d'accéder à un autre puits
d'une vingtaine de mètre. C'est large, c'est propre et c'est beau, rien à voir
avec les 300 premiers mètres. On "jette" les cordes, on est
complètement grisés !
Malheureusement, les meilleures choses ont une
fin et malgré avoir cru entendre les murmures de la fameuse rivière à plusieurs
reprises (dans nos rêves !) nous butons après un dernier puits sur une zone de
contact sans suite évidente. Après un café chaud qui permet d'adoucir la
re-descente de nos rêves nous attaquons la remontée en mode pilotage
automatique. La partie découverte est très agréable et rapide.
La suite l'est moins avec ce fameux méandre de
-300 à -200 qui use le corps et le matos qui plus est avec nos kits bien
chargés (nous remontons le perforateur mais aussi une partie du matériel stocké
au fond qui semble inutile pour l'avenir).
Après plus de 12h d'activité, nous retrouvons
la surface. C'est l'overdose. D'ailleurs, il me semble que mes camarades ont
vomis à la sortie à moins que ce ne soit la boue qui souille la neige, je ne
sais plus, il est trop tard, nous sommes brisés. Nous nous laissons guider par
les traces de ce
matin, c'est mieux ainsi, il fait nuit, et chercher notre chemin aurait été un supplice de plus. Nous retrouvons rapidement la chaleur du chalet et les amis d'Amalgame qui nous ont préparé de quoi nous réconforter !
De la grande explo cassante, usante mais qui fait tellement rêver. Comme on aime !
RépondreSupprimerMerci encore pour ce beau récit.
Super article ! Merci Jean
RépondreSupprimerLes topos sont sur le blog du GAS