A la recherche du GSHPéus Giganticus Lapierreii
Mercredi 24 juin,
Jean Claude M., Damien L. et moi-même, nous nous retrouvons au monastère St
Bruno pour une sortie inventaire patrimonial pour la Réserve Naturelle
Régionale du Pibeste – Aülhet.
Jean Claude
a proposé de visiter la Tute des Camalhous(*), Damien en fera une étude
des spéléothèmes mais aussi un bilan du reliquaire du quaternaire que recèle
cette cavité découverte par le Champion du Monde des Montagnes de St Pé.
Mais où
a-t-il été la dénicher ? Elle est perdue, noyée dans les buis, perchée sur
les bords d’une ravine dans les barres rocheuses où même les chasseurs n’y sont
jamais passé !
La montée se
fait sous la moiteur de la forêt : ambiance tropicale, le pas est lent,
nous sommes écrasées par la chaleur ambiante.
Seul Damien, le « minot » de l’équipe, virevolte dans les lacets.
Seul Damien, le « minot » de l’équipe, virevolte dans les lacets.
Nous filons vers le poste à Léon, mais à « la coume de l’Artigue de Richou »,
il faut descende plein fer dans la pente puis hougner dans les buis serrés pour
tenter d’approcher le porche caché dans un renfoncement rocheux. Après plus de
100 m de descente on atteint la zone. Tâtonnements du CDMDMDSP, qui fait des va
et viens dans les barres et les buis. Si même lui n’arrive pas à le retrouver,
alors ?...
Heureusement
le GPS donne une localisation approchante et on retrouve cette belle entrée,
une ancienne résurgence perchée à 870 m d’altitude, témoin d’un très ancien
niveau de base, du temps où le fond de la vallée de la « Génie Longue »
était à ce niveau régional.
Sous le
porche nous reprenons des forces, après une petite collation, nous prenons le
matériel et allons explorer la grotte. Au pied du porche il fait 29°, à
l’intérieur 10,2°, le choc thermique est saisissant !
Passé un
petit passage nous obligeant à nous baisser, un squelette complet de renard est
là en connexion anatomique. Il n’y était pas il y a 10 ans lors de la
découverte !
Au-dessus de
lui dans une niche une chauve-souris, certainement un murin.
Au profit
d’une fracture, une galerie rectiligne est haute de 4m large de 1,8m, avec un
profil de creusement en conduite forcée. Il y a de vielles concrétions
manifestement repolie par la furie des eaux souterraines, ce qui prouve qu’il y
a eu une période d’étiage long, puis une nouvelle mise en charge. De quelle
inter-glaciation date-t-elle ?
Il semble
que ce soit très ancien car il reste quelques témoins de remplissages (paléo
remplissages), recalcifiés mais avec du sédiment fin et argileux
(varves ?). Ce serait un bon sujet d’études en y réalisant quelques
prélèvements et tenter des datations…
Au sol une
bauge d’ours, un peu comme celle que l’on trouve au Schwab, non loin de là. Sur
la paroi cannelée et taraudé par une dissolution de surface (plutôt en U), des
rayures suspectes bien profondes, // et en V, pourraient bien être des griffades
du plantigrade qui hibernait là !
Une grosse
coulée barre la galerie, nous obligeant soit à une reptation, soit à une
escalade en grands écart…
Sur une
banquette il y a des traces de charbon de bois, ce que j’avais pris pour des
mouchetis de torche, à l’observation ne sont que des résidus de « foyes »
(*) l’on trouve bien plus haut dans le ravin et amenés dans la cavité par les
fissurations de la roche, car il y a des écoulements. D’ailleurs on retrouvera
de ci, de là, d’autres témoins charbonneux.
Ensuite
toujours dans la fracture coupant en deux les bancs calcaires horizontaux qui
dessinent quelques banquettes ou concrétionnent des choux fleurs de calcite,
témoins de courants d’airs importants (du temps où la galerie communiquait avec
l’extérieur), un élargissement s’ouvre sur un ressaut de 4m, de là on domine un
enchevêtrement osseux en grande quantité, il y a au moins 2 cerfs élaphe
complets et d’autre mammifères dont un très gros…
Mais une dent nous interroge sur la nature de
la bête, une canine de belle taille (5cm) avec une racine très longue par
rapport à la partie émaillée. Elle ne ressemble pas à celle classique d’un ours.
Celle de
l’ours est plus effilée, là elle est plus massive et triangulaire et cannelée.
Manifestement
c’est un carnassier de grande taille auquel les cerveaux féconds des trois
protagonistes lui donneront le nom de GSHPéus Giganticus Lapierreii !
Mais si
c’était une hyène des cavernes, on en serait tout aussi satisfait !
La galerie est
constellée de petits gours, elle se termine sur une coulée stalagmitique, une
sorte de méduse calcifiée. Au-dessus dans la fissure nous voyons un supérieur,
pas forcément très large mais qui remonte de 8 m au moins…
Dans le
ravin de l’Artigue de Richou, nous avons repéré en amont un gros effondrement
qui pourrait être la perte ayant alimenté la galerie… Ce qui expliquerait
comment les ossements y sont arrivés, car en son temps l’effondrement donnait
sur un réseau souterrain, et les animaux morts ont été transportés par les eaux
de la perte, jusqu’à buter sur le resserrement du méandre. Puis la perte s’est
bouchée et la galerie s’est calcifiée en obstruant l’amont. Manifestement ils
ne sont pas rentrés par l’entrée actuelle, les cerfs n’auraient pas pu
escalader le resserrement rocheux… Un ours surement…
Une belle
journée qui se termine au retour par une note florale sur Pla Debers : une
Céphalanthère rouge. D’habitude elles sont blanches sur le massif et cette
orchidée est isolée, en plein sur le chemin !
Alain D.
(*)
Camalhou : c’est l’os du jambon (désossé) que l’on mettait avec de la
couenne dans la soupe, pour donner du goût à la garbure locale !
(*) foyes :
meules de bois servant à la fabrication de charbon lors d’une combustion lente
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