Yerse, une page se tourne...

Il est bien évident que nous attendions tous avec impatience de pouvoir retourner dans la rivière Noire, le probable collecteur d'Aygue Nègre. En septembre dernier, après une désobstruction à -380 m nous avions enfin pu atteindre le fond du synclinal où s'écoule la rivière souterraine recherchée depuis plus de 30 ans (voir compte rendu du 26 septembre). Ce week-end, nous sommes les mêmes à retourner dans la perte : Serge, Étienne, Jean, Sandrine et Patrick. La météo est estivale, incroyable pour un mois de novembre, c'est donc bon pour les courants d'air tout autant que pour le niveau de l'eau qui ne nous gênera pas dans les puits.

Vendredi 6 novembre 2015

Avec Sandrine, nous montons tranquillement en milieu d'après-midi pour prendre possession du refuge et préparer le matériel pour le lendemain. Jean et Etienne nous rejoignent vers 20 h ; pour eux, la marche se fera de nuit.

Samedi 7 novembre

Le réveil sonne à 6 h 20 en prévision d'une longue journée. Serge arrive par l'Arriusec vers 7 h 30, après 2 h de marche... Cela ne traîne pas et moins d'une heure plus tard nous sommes dans le gouffre. Le niveau est bas et la descente est rapide. Nous allons directement au siphon aval de la rivière, à -400 m. Notre première tache est de poser ici un reef-net qui enregistrera les variations du niveau de l'eau et de température durant près d'un an. 

Le siphon aval (-400 m)

 Nous nous dirigeons ensuite vers l'amont en faisant suivre la topo. La galerie offre de belles sections (3 x 3 m) où les traces d'érosion attestent de débits qui doivent être parfois très importants. Le courant d'air est devenu plus important et nous souffle dans la figure, c'est rassurant... 


 La rivière Noire

Mais après seulement deux cents mètres de progression, et au bas d'une petite salle surmontée de 2 cheminées, de gros blocs nous obligent à emprunter une galerie basse. Le courant d'air est plus diffus et le plafond n'est qu'un tapis de blocs. Une courte escalade nous permet de gagner un semblant d'étage supérieur, mais celui-ci est coincé entre l'éboulis et la paroi. Cela sent le roussi d'autant plus qu'il n'y a plus véritablement de conduit. Nous parvenons tant bien que mal à progresser entre les blocs, mais la trémie, lavée par les crues ne semble pas très stable et il n'y a pas d'agrandissement à l'horizon. C'est le coup de bambou !

Petit coin au sec...

Il faut pourtant se faire une raison. Jean tente une petite escalade glaiseuse au-dessus de la trémie, mais il n'y a rien d'évident. Quant aux cheminées elles n'ont vraiment pas une bonne gueule... Alors nous commençons à rebrousser chemin en fouillant les moindres départs. Au niveau d'un affluent que nous avions jugé impénétrable, Serge déniche un passage supérieur conduisant à une belle galerie fossile recoupant l'affluent en lui donnant plus d'ampleur. Après un casse croûte rapide, nous nous y engouffrons toujours en faisant la topo.

L'accès à la galerie fossile.

Le conduit est superbement sculpté par l'eau et nous progressons au-dessus de jolies marmites dans un calcaire noire. Le pendage, visible sur le côté droit de la galerie, indique clairement que nous sommes sur le flanc sud du synclinal que nous suivons sur plusieurs centaines de mètres. La progression est vraiment plaisante et nous fait un peu oublier qu'il nous manque quelque chose d'important, le courant d'air. 

 Progression dans la rivière affluente.

Au bout de 200 nouveaux mètres, un siphon nous rappelle cet oubli. Nouveau coup de bambou, mais pas pour Jean qui se sent des âmes de pionier et se prépare à nager pour vérifier si cela siphonne véritablement. Nous lui conseillons de faire ça dans le plus simple appareil, pour pouvoir se réchauffer dans des vêtements secs en sortant et éviter la pneumonie lorsque nous terminerons la topo. Il s’exécute sans sourciller. Il est bien ce Jean ! Bien sûr personne ne tient à lui voler cette première et nous sommes d'ailleurs tous d'accord pour en faire la vedette de notre reportage photo. Le bain ne durera pas des lustres car le siphon démarre à quelques mètres delà. Nous lui suggérons bien une petite reconnaissance en apnée, mais nous avons vite le sentiment d'abuser un peu....


 Le siphon amont et la vedette du jour....
Jean ressort sous le crépitement des flash, fier comme un "bar-tabac" : même pas froid....
Après cette épisode distrayant, nous reprenons nos recherches dans des conduits fossiles qui doublent le conduit principal, mais à chaque fois, nous retombons sur des galeries connues. Au total, nous topographions 640 m de galeries nouvelles, mais sans pour autant trouver une suite pénétrable. Yerse semble donc bien fini, du moins, sans plongée... Nous nous échelonnons pour remonter et à 19 h nous sommes dehors. Jean est reparti avant le reste de la troupe, nous passerons la soirée au refuge en compagnie de Quentin, un randonneur solitaire, attiré par le charme de la cabane.

Galerie fossile au-dessus de la rivière Noire

Dimanche 8 novembre

Le réveil est plus tranquille et ce matin nous prenons notre temps, pour ranger le matériel et nettoyer le refuge. Serge redescend dans la vallée. Quant à nous, nous partons faire une petite prospection autour du Cap de Litas. Pas de grande découverte mis à part un petit porche (CL 31) qui ne semble pas très intéressant. Et puis l'énergie commence à manquer alors nous redescendons tranquillement vers la voiture en réfléchissant à notre future sortie au gouffre du Beaufort, car si la perte de Yerse semble terminée, nous avons bien d'autres objectifs de ce côté là du massif ....

Crêpe bretonne près du siphon amont.

 Au total, le gouffre développe 1640 m de développement pour 400 m de profondeur et de l'avis de Serge, qui a écumé tous les grands trous du massif, c'est sans aucun doute l'un des plus beaux et des plus plaisants à parcourir....

C.r. Patrick

Commentaires

  1. Félicitations à toute l'équipe. C'est une grande cavité.
    Bravo à Jean pour sa mise à l'eau. Je suppose que sa capuche lui a tenue la tête bien au chaud.

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  2. Bravo pour cette belle explo. Le gouffre méritait mieux qu'une telle fin ! Bon ça aura quand même servi à Jean d'entrer dans la légende des "spéléos naturistes"... Encore un magnifique gouffre sous ce fabuleux massif. L'inventaire va être colossal !

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