Dans les méandres de Tuquerouye
Cela fait maintenant deux ans qu'avec l'A.S. du Cagire nous nous intéressons au karst qui borde le fond du cirque d'Estaubé. Dans les années 70/80, le SCM (Montpeyroux) avait exploré plusieurs gouffres dont l'un d'eux, le gouffre des 2 Bornes, frisait les -200 m. Mais il restait de nombreux points d'interrogation à revoir, les uns figurant sur leurs topos et les autres tout simplement signalés par les explorateurs de l'époque prêts à reprendre du service. De plus, la fonte des névés pouvait également révéler de nouvelles entrées ou continuations.
Marche d'approche matinale, au fond le cirque d'Estaubé et la brèche de Tuquerouye |
Une première reconnaissance en 2020 nous a permis de constater que d'autres explorateurs étaient passés avant nous depuis les années 80. Rien de bien étonnant, mais en revanche nous n'avons pas réussi à savoir qui et quand s'étaient déroulées ces explorations et surtout avec quels résultats et quels investissements. (voir compte rendu de 2020). Lors d'une seconde virée en 2022, nous revisitons et topographions partiellement un gouffre qui ne figurait pas dans les publications du SCM : le gouffre du Spit. Nous nous arrêtons vers -100 m après avoir épuisé notre stock de cordes mais la cavité ne s'arrête pas là (voir compte rendu 2022). Ne trouvant toujours pas d'informations sur les explos les plus récentes nous prenons le parti de tout reprendre à zéro et de se donner les moyens pour y parvenir.
Vendredi 18 août
Comme les fois précédentes nous nous retrouvons sur le parking des Gloriettes afin d'y passer la nuit de manière à démarrer tôt le lendemain. Nous sommes 6 : Philippe est venu avec Jean, un "ancien" spéléo accoutumé aux gouffres d'altitudes, froids et profonds et Jean-Noël. Valerie et Thomas nous rejoignent un peu plus tard.
Le lac des Gloriettes, presque vide. |
Samedi 19 août
Nous démarrons à 7 h 30 passé. Le vallon est à l'ombre et la température est encore très supportable. Il nous faut 2 h 30 pour atteindre la zone qui nous intéresse. Vu le nombre nous faisons 2 équipes sous terre et Philippe qui n'est pas au mieux de sa forme préfère prospecter en surface. Jean et Thomas vont revoir le gouffre E4 dont la topo est constellée de points d'interrogation. Avec Jean-Noël et Valérie nous allons au E1 pour faire une courte escalade que nous avait signalé Jean Marc, un des explorateurs de la première heure.
Préparatifs à l'entrée du trou du Spit |
Dans le E1, notre première surprise est de constater que la diaclase d'entrée a servi de toilettes à des randonneurs peu soucieux de savoir que d'autres allaient se rouler dans leurs déjections. Heureusement le forfait datait un peu et il n'a pas été trop difficile de faire disparaître dans le fond de la diaclase, l'objet du litige et son emballage cadeau. Autre surprise, il n'y a pas trop de courant d'air malgré la météo en passe de devenir caniculaire. Dans le passage le plus étroit, celui-ci est aspirant mais très faiblement et il sera imperceptible lorsque nous sortirons en fin d'après-midi. Plus bas, l'arrivée de la cascade Wagner est totalement sèche. Il n'y a plus de neige en surface pour l'alimenter. Tant mieux.
A -45 m, nous retrouvons l'étroiture qui avait arrêté certains d'entre nous en 2021. Encore quelques puits et nous voici au carrefour de -90 m où nous devons réaliser l'escalade.
Les petits puits du E1 avant le carrefour de -90 m |
Et c'est ici que nous retrouvons un très fort courant d'air provenant du fond et filant directement dans le conduit que nous souhaitons atteindre. C'est un bon signe même si nous devons rajouter quelques couches pour nous protéger du froid (2 ou 3°). L'escalade n'est qu'une formalité et après une courte traversée au-dessus d'un petit puits nous retrouvons la vieille corde posée sur un mono spit par Jean-Marc, au départ d'une petite conduite forcée remontante. Lui avait choisi de grimper en libre depuis le bas du puits au prix d'une oppo hyper large et très exposée. Chapeau !
La courte traversée pour atteindre la conduite forcée qu'on devine en arrière plan. |
Nous sommes beaucoup plus raisonnables et équipons le passage selon les normes en vigueur (!) sauf que notre mèche rend l'âme au 5° amarrage. Celle de secours est plus courte et ne permet pas de faire de lunule. Nous continuons à remonter dans une seconde conduite forcée, plus raide mais toujours aussi ventilée.
La première conduite forcée au sommet de la traversée. |
La seconde est plus petite mais plus raide aussi. |
Au sommet le conduit en recoupe un autre, plus gros, avec amont et aval. L'aval est un puits assez vaste que Valérie équipe partiellement car les équipements manquent et le sol est constitué d'un éboulis instable très inquiétant. Un autre passage devrait permettre de contourner l'obstacle mais pour le moment nous n'avons plus de quoi l'équiper. Ça caille et en plus, nous devons boucler la topo. Donc nous prenons le chemin du retour et sortons du trou vers 18 h 30.
Pendant ce temps, au E4, Jean et Thomas n'ont pas chômé. Ils ont réequipé le trou jusqu'à -80 m et ont fouillé les différents départs qui se présentaient au fond. Dans l'un d'eux Thomas, après avoir forcé quelques passages étroits et boueux s'est arrêté dans un conduit, certes petit, mais qui pourrait être intéressant pour la suite. Dans le méandre le plus évident et après avoir descendu quelques ressauts ils ont fini par retomber sur le cairn marquant le terminus topo du gouffre du Spit. Dans un troisième, ils se sont arrêtés sur puits...
De son côté, Philippe a trouvé une petite dizaine de cavités dont certaines avec un bon courant d'air. Nous n'avons pas perdu notre journée. Thomas ira encore voir un porche à l'autre bout du massif, et le soir, nous redescendons vers la prairie juste en contrebas du lapiaz pour un bivouac à la belle étoile bien sympa.
Bivouac 3 étoiles |
Dimanche 20 août
Réveil à 6 h 30, il fait toujours aussi doux et il n'y a pas la moindre rosée. Nous remontons au E4 à quatre (Jean, Thomas, Jean-Noël et moi) tandis que Valérie et Philippe poursuivent la prospection vers l'est. Avec Jean-Noël nous filons à la jonction et remontons en faisant la topo. Pendant ce temps Jean et Thomas tentent de forcer le fond du gouffre du Spit. Pas très évident mais il faudrait peut-être insister.. Au retour, ils descendent le puits repéré la veille mais celui-ci retombe dans le méandre de jonction. Nous sommes dehors vers 12 h. Valérie et Philippe ont encore trouvé d'autres entrées. Il y a du pain sur la planche.
Jean-Noël au bas du P.20 d'entrée du E4 |
En redescendant Philippe nous propose de fouiller les falaises en bas du cirque afin de retrouver une grotte signalée par le SCM. Un porche semble correspondre assez bien mais pour l'atteindre il faudrait un petit bout de corde. Affaire à suivre.
Compte rendu Valérie et Patrick
Pour un début, c'est vraiment bien. Bravo l'équipe.
RépondreSupprimerEspère être des vôtres pour la prochaine et apporter ma modeste contribution au portage et à la prospection. Un massif qui va s'enrichir de vos découvertes et merci pour le compte rendu.
RépondreSupprimertrop bien votre compte-rendu, ça fait rêver ! J'espère pouvoir en être la prochaine fois...
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