Un début de vacance bien venté...

Samedi 10 février 2018

Avant de nous envoler vers les Canaries via l'aéroport de Bilbao, nous  profitons de l'occasion pour rendre visite à nos amis basques de Gernika. Le temps n'étant pas fameux et notre séjour dans le coin étant très bref, Gotzon nous propose d’aller visiter un gouffre récemment découvert sur un joli massif qui domine l'océan d’une bonne centaine de mètres. La particularité réside dans le fait qu’après une série de petits puits, la cavité rejoint la mer par un porche qui jusqu'alors n'était pas connu. Nous acceptons sans hésiter. Nous nous retrouvons donc à 5 pour cette ballade qui s’annonce bien sympathique, en plus de Gotzon et de nous deux, Mariano et Oier se sont joints à la partie. Arrivés au départ du sentier, la pluie s’arrête miraculeusement et nous épargne durant toute la marche d’approche.

L'entrée du gouffre s’ouvre dans un lapiaz couvert où d’autres fissures sont en communication directe avec l'océan. En effet, à intervalles  réguliers elles se mettent à souffler violemment, en crachant un nuage de vapeur d’eau, tels de véritables geysers. Nous sommes pourtant à plus d’une centaine de mètres au-dessus de la grande bleue.
À l’entrée de la torca nous découvrons l’important travail de désobstruction qu’il aura fallu mener pour pouvoir atteindre un conduit pénétrable. On se croirait à Saint Pé sauf qu’ici, le courant d’air est beaucoup plus violent mais intermittent car lié au mouvement de la houle.
Au bas d’un premier ressaut en partie creusé dans la terre, nous devons nous glisser dans une succession de petits ressauts étroits, un peu trop sévères pour Oier et Mariano qui décident d’attendre en surface. Gotzon, venant tout juste de se faire opérer du bras, me demande de passer devant, afin de poser des amarrages en inox pour les futures visites. Le gouffre qui n’a été vu qu’une fois jusqu'au fond, s’agrandit peu à peu, mais les coups de vent sont toujours aussi violents au point de nous soulever le casque de la tête dans les étroitures et de nous faire un peu de souci pour nos tympans.
 Vers -80 m, après quelques petits puits plus confortables, je m’enfile dans le dernier passage étroit qui débouche dans la grande salle terminale en communication avec la mer. Ce n’est pas large et avec le kit de corde et le perfo, ça racle bien. Cet étroit goulet franchi, je me retrouve au sommet d’un puits plus vaste au bas duquel je devine de l’eau.

 J’ai à peine terminé de forer mon trou qu’un énorme grondement accompagné d’un souffle puissant me propulse vers le haut me faisant passer à nouveau l'étroiture avec tout le matériel en vrac sans que je puisse faire quoi que ce soit. À peine ai-je repris mes esprits que le phénomène s’inverse tout aussi brutalement. Je me sens alors aspiré mais je parviens tant bien que mal à ne pas repartir dans le goulet. La situation étant assez critique, je presse Sandrine qui était juste au-dessus en opposition sur le même tronçon de corde que moi, de quitter les lieux le plus rapidement possible. En fait elle a subi aussi la violente poussée et choquée a été un peu blessée à l’épaule. Ayant en plus deux sacs emmêlés dans la corde elle a bien du mal à remonter rapidement. Lorsqu’elle parvient près de Gotzon, au sommet du puits étroit, une nouvelle vague injecte son souffle dévastateur. Me voilà à nouveau propulsé vers le haut sans pouvoir rien contrôler. Je cogne de partout et finis par perdre connaissance, probablement en raison d’un choc à la tête. Je laisse Sandrine raconter la suite car à partir de cet instant ma mémoire m’a complètement lâché.

Sandrine : “Arrivée en haut, bien choquée et sans forces, je me penche vers Patrick et le vois inanimé. je l'appelle sans qu'il ne réponde. Je suis sans doute en état de choc. Essayant tant bien que mal de récupérer et j’ai quelques difficultés à réagir.. Gotzon qui est un peu myope, m'entendant appeler sans relâche s'imagine même que Patrick est tombé. Je le rassure et il descend sur la corde tendue avec son croll et son bloqueur. Patrick émerge un peu mais n’arrive pas à nous répondre clairement concernant son état. Il arrive malgré tout à lui passer sa longe et plus ou moins coincé, se plaint quand Gotzon le soulève. Ça finit par fonctionner et après quelques mètres il arrive à prendre le relais. En haut, tous les trois on se regarde, on est verdâtres. Nous nous installons dans une petite rotonde à l’abri du courant d'air, je sors des sucreries à manger bien que nous ayons plutôt la nausée, et du Doliprane. Patrick demande où nous sommes, ce qu'on fait là, si nous sommes profonds, il ne se souvient de rien. Je l'incite à remonter doucement, en lui parlant tout le temps, répétant les mêmes réponses à ses questions inquiètes.
Je prends le perfo et un autre sac et je le suis au plus près. Je le double avant les puits les plus étroits et j’ai bien du mal. Je sens au fur et à mesure que sa voix est plus assurée et il aide même un peu Gotzon à tirer le gros sac de la corde.
Dehors, nous comptons nos aventures à Oier et Mariano en essayant de comprendre ce qui nous est arrivé. Puis nous téléphonons à notre ami Diego médecin spéléo qui est à Bilbao pour lui faire part de notre mésaventure et connaître son avis. Nous n'avons pas très envie d’aller aux urgences à quelques heures de notre départ en avion. Nous convenons alors de surveiller les éventuels signes qui pourraient nous inquiéter tout en gardant un contact régulier durant les prochaines heures. L’état de Patrick n’inspirant pas plus d'inquiétude, nous avons pu maintenir notre départ.
Plus tard, autour de quelques tapas nous reprenions des couleurs et des forces tout en ayant bien conscience que nous étions passés très près d’un accident encore inédit en spéléo et dont les conséquences paraissent difficiles à évaluer...
Mais que s’est-il donc passé au fond de ce gouffre ?
Étant à marée haute, et la houle étant relativement forte, il est probable que, dans ce cas, certaines vagues submergent complètement l'entrée pourtant assez vaste aux dires de Gotzon.  La houle fonctionne alors comme un énorme piston actionné par la gigantesque puissance de l’océan. Le goulet étant probablement le seul exutoire, toute la pression se concentre à cet endroit avant de se diviser dans tous les diverticules répartis plus haut et qui communiquent avec les entrées voisines. Cela explique le fait que nous n'ayons rencontré aucun problème dans les premiers puits. Fort heureusement, la vague en se retirant, s’affaisse et il est probable qu’une partie du conduit devienne à nouveau libre expliquant la moindre puissance du courant d’air aspiré. Une chance…
Sandrine et Patrick

Commentaires

  1. Comme quoi un coup de vent et la cavité s’arrête.

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  2. Énorme. Comme quoi la force de la houle... Je connais ce phénomène de souffle produit par la houle à San Sebastian.

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  3. On connait bien ce phénomène dans les karsts de bord d'océan à la Guadeloupe. Là bas on appelle ça les "souffleurs". Ça peut être un vent violent qui sort ou un geyser. Dans un des plus spectaculaires la houle entre dans un vaste porche et 30 secondes plus tard elle ressort sous la forme d'une vague de 15 m de haut au raz de la voûte. Le porche communique avec plusieurs souffleurs qui émettent des grondements et des trombes d'air. Impressionnant.

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  4. Même chose à St Leu à la Réunion. Mais là-bas c'est dans la lave ...

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  5. Bonjour à tous et merci à Alain pour avoir mis sur le blog cet article et l'avoir illustré. Effectivement le phénomène n'est pas nouveau. Par contre, je n'avais pas connaissance de cavités penetrable presentant de telles caractéristiques et donc de tels risques. Pour se changer les idées nous sommes en train de visiter des tunnels de lave, mais soyez rassurés, ils sont éteints, enfin pour le moment....
    Patrick

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    1. Si le courant d' air s' amorce, sortez en courant!

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  6. Ouf quelle aventure ! Tout est bien qui finit bien...

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  7. Impressionant et inattendu, quelle aventure! Tout fini bien, c'est heureux.

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  8. Patrick tuvo mucha suerte. Un rescate en esa cavidad hubiese sido muy complicado. Es un accidente insólito, aunque el fenómeno físico de los “sopladores” sea Bien conocido.

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