Dans les entrailles du Pico do Fogo

Janvier 2022

Sur un plan purement météorologique, le début d'année est rarement très clément pour notre activité spéléo dans les Pyrénées. C'est pourquoi depuis un certain temps nous avons pris l'habitude, en janvier ou février, de migrer temporairement au sud à la recherche de destinations plus exotiques. Pour 2022, notre choix s'est fixé sur les îles du Cap Vert situées au milieu de l'Atlantique et au large des côtes Sénégalaises. Du soleil, des paysages volcaniques à couper le souffle et une douceur de vivre agrémentée  de quelques breuvages locaux, il nous en avait pas fallu beaucoup plus pour prendre notre décision. Durant près d'un mois nous avons donc arpenté à pieds quelques îles de l'archipel avant de terminer notre virée sur celle de Fogo, occupée par un majestueux volcan du même nom et qui, avec ses 2829 m, constitue également le point culminant du pays. 

Fin de la route ! La coulée de 2015 impose
désormais un détour de plusieurs kilomètres.


Dés le premier jour sur Fogo nous sommes plongés dans l'ambiance car notre taxi nous laisse à 1400 m d'altitude au terminus de l'ancienne route qui traversait la caldeira avant la dernière éruption en 2014-2015. Car le volcan n'est pas véritablement éteint, les dernières éruptions ayant eu lieu en 1951, 1995, et 2014. 

Le petit Pico (1900 m) est à l'origine de la coulée de 2015  
 

Ce jour-là nous partons donc à pieds pour rejoindre le petit village de Portela situé de l'autre côté de la caldeira. Au passage nous grimpons sur le petit Pico un cratère secondaire situé à 1900 m d'altitude. C'est d'ici qu'est partie la coulée dévastatrice de 2014. Celle-ci est bien visible et se distingue d'autres plus anciennes par sa couleur sombre, presque inquiétante. 

La coulée de 2015, plus sombre, est bien visible au second plan.
Elle traverse le petit village de Portela qu'on devine au bord de la Caldeira.


En la suivant nous parvenons au village ou du moins ce qu'il en reste car la lave a presque tout recouvert avant de s'arrêter plus loin dans le fond de la Caldeira. Ici les gens vivent avec le volcan. Bienveillant pour les cultures et pour l'apport touristique qu'il procure, il est aussi une menace permanente pour les biens et les personnes. Malgré cela, les habitants n'iraient pas vivre ailleurs et l'endroit est en chantier car tous ont entrepris de reconstruire avec plus ou moins de moyens, certains sur des cendres encore chaudes, d'autres en déblayant les blocs de lave afin d’accéder à leur ancienne habitation. Notre hôte, lui, a choisi de reconstruire un hébergement un peu à l'écart de la coulée sur un terrain familial. Mais rien ne dit que la prochaine ne passera pas par là.

Cette maison n'a pas été totalement ensevelie
mais la lave en occupe une grande partie


Le lendemain nous avons prévu de monter au sommet du Pico pour voir le cratère principal mais également pour reconnaître des tubes de laves qui nous ont été indiqués par un groupe de géologues espagnols. Pirinha, un guide local nous accompagnera. 

Le jour est à peine levé lorsque nous attaquons la montée. Au programme, 1100 m de dénivelé sur un vague sentier qui évite les pentes de scories trop meubles. 

La montée au sommet du Pico do Fogo. En contrebas on distingue le village (sur la gauche).
La coulée de 2015 s'est arrêtée un peu après.


En montant, nous croisons de belles cheminées, vestiges d'éruptions plus anciennes.

Deux heures et demi plus tard nous parvenons au cratère. Celui-ci fait environ 500 m de diamètre pour 200 m de profondeur et même s'il reste quelques fumeroles, il n'a pas été en activité depuis 1769. De là, la vue sur la caldeira est saisissante car Pirinha nous montre l'emprunte des différentes coulées notamment celle de 95 et celle de 2014. 

Sur les bords du cratère sommital (2829 m)

Pour la descente, ce sera droit dans la pente sur une véritable piste de ski constituée de cendres volcaniques plus ou moins fines. 700 m plus bas nous nous retrouvons sur le bord du petit Pico, les chaussures pleines de sable noir que nous peinons à évacuer. 

La descente sur le petit Pico, 700 m plus bas.

Pirinha nous raconte avoir connu cet endroit avant l'éruption de 2014. Le terrain appartient à sa famille et il se souvient bien des cultures qui poussaient à cet endroit. Celles-ci ont été ensevelies sous plusieurs centaines de mètres de lave et à la place, un cratère aux couleurs de feu. Dans le dédale des anciennes coulées, Pirinha nous conduits ensuite à l'entrée du tunnel de lave. 

L'étonnante entrée de la grotte, au milieu des sculptures de lave cordée.
 

Celle-ci est surmontée de formes tarabustées, véritables sculptures formées par une lave très fluide. Les guides locaux ont installé une échelle pour descendre le petit puits donnant accès au tunnel proprement dit. Là, nous sommes "chez nous" et la morphologie du tunnel est proche de celle des conduits karstiques. En plus il y a de l'air : intéressant ! Nous progressons facilement de quelques centaines de mètres dans un conduit de taille humaine puis le plafond s'abaisse, cela devient étroit et de toute façon nous n'avons ni paille ni perfo...


Profil typique des tunnels de lave.


Pirinha au sommet du petit d'entrée.

L'après-midi, sur les indications de notre guide, nous allons visiter un autre tunnel situé dans une coulée plus ancienne. Les dimensions sont importantes mais la suite devient aussi trop étroite pour passer. Il existerait d'autres cavités de ce genre dans le dédale des coulées successives mais leur accès est rendu difficile en fonction de la nature du terrain. 



 
Bien sûr nous avons eu plaisir à pratiquer un peu notre activité dans cet endroit insolite comme cela fut le cas dans d'autres îles volcaniques tel les Canaries. Mais ici plus qu’ailleurs c'est l'incroyable intimité entre le volcan et les habitants qui nous a marqués. Le lendemain de notre ballade au sommet de l'île, Pirinha se levait à nouveau à l'aube pour rejoindre à pieds une culture située à plus de 7 km de là, de l'autre côté du Pico do Fogo. Il en ramènerait de quoi nourrir sa famille durant quelques jours avant d'accompagner de nouveaux touristes au sommet du Pico afin de gagner de quoi poursuivre la reconstruction de sa maison. Tout cela impose respect et humilité !

Patrick et Sandrine




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