Soleil, neige et féérie de glace

Dimanche 5 mars
Pour cette sortie à la Tute du déserteur, j’avais pour objectif de refaire la topographie et de prendre quelques points de température avec l’aide de Philippe Betbeder. Un copain d’enfance que j’ai récemment retrouvé et avec qui j’avais commencé les explos spéléo. Il a continué à en faire à la SSPPO, mais surtout c’est un féru d’escalade dont il a atteint un très haut niveau. Il est aussi très motivé à nous faire découvrir le sous-sol de son Pays Basque natal. Gérard Laurens du CAF de Lourdes était de la partie, car c’est aussi un passionné de spéléo. Tous deux ont du temps libre, une très bonne condition physique ce sont des séniors motivés !  

Tandis que Pierre Michel Abadie était en charge des mesures physiques (température et vitesse du CA). Comme le CA était très faible et finalement pas bien mesurable (manque de finesse de son appareillage portatif qui n’est pas un monstre de laboratoire), Isabelle Abadie a vérifié le sens des écoulements, à l’ancienne, avec de l’encens ! Elle était aussi préposée à la couverture photographique, tout comme Jean Esquerre, le découvreur de cette cavité avec Laurent Grimbert avant 1994 (date du croquis d’explo du GRAS de Lourdes) Lors des années 92 à 95, le GRAS a exploré cette zone et découvert les cavités majeures du coin que nous avons approfondi lors de nos camps « Mesclagne » de 1999 à 2006 avec l’accord du GRAS sachant que nos camps leur était largement ouvert ... Xavier de Muyser, leur ancien Président, nous avait rejoint d’ailleurs…

Mais il semble que le GRAS ne fut pas le premier découvreur, car en 1977 l’équipe de Jacques Jolfre avait exploré le grand gouffre (P80) et sans la nommer, il parle d’une grotte…

Quoi qu’il en soit les premiers visiteurs furent les charbonniers qui venaient y prélever la glace qui se forme en hiver. Des vestiges de l’extraction y subsistent.

La cavité se présente comme une vaste doline remplie de neige, un beau porche semi comblé qui donne accès à une salle descendante, ébouleuse et complètement glacée. Une forêt de pénitents de glace, des cascades et colonnes de glace provenant des écoulements en plafond et des draperies orientées dans le sens du courant d’air qui remonte vers l’entrée. Il fait -3°C ! Au bas de cette salle, sur le côté, une alcôve de glace recèle les joyaux, les merveilles de cette grotte. Des festons cristallisés d’une finesse extrême et éphémère car en été tout aura disparu ! 

Nous sommes à -26m, là une fracture dans le plan de la stratification marque la fin du piège à froid.

Derrière une salle horizontale ébouleuse sèche et sans glace. La température est de -0.6°C, mais il n’y a plus de courant d’air. A noter en surplomb de l’éboulis un replat aménagé sur le côté et quelques ossements d’animaux. C’était peut-être la zone de bivouac des charbonniers qui exploitaient la glace au 19ème siècle ; mais cela aurait pu, tout aussi, être un lieu de sépulture. 

Et pourquoi pas celle du déserteur ? Nom donné par Jean à cette grotte en souvenir de l’histoire, la légende transmise par les anciens et que son grand père lui racontait. Etais-ce en 1870, en 1914, bien avant ??? Dans la vallée du Bergons, trainait un déserteur. Il survivait semble-t-il, dans la forêt là-haut vers Conques et Espades. Il mendiait et souvent chapardait les maigres victuailles des éleveurs et des bergers en estive… Il se disait que c’était un déserteur et qu’il maraudait dans la vallée la nuit près des habitations, tout cela faisait peur aux enfants qui n’étaient pas sage !

Passé la salle la galerie se poursuit dans une fracture et qui remonte sur 40 m de long. Nous y avons déposé les restes des vestiges d’extraction (pieux et torche). 

Ici quelques stalagmites et plancher semblent explosés. En fait, il y a quelques points englacés qui ont délaminé les strates de dépôt de carbonate de calcium des concrétions. Ce phénomène observé est bien plus court que la période d’englacement de la première salle, car la température relevée était de +0.5°C et les concrétions de glace fondaient. Au terminus, la pente se redresse et une trémie de roche provoquée par la gélifraction est issue de la voute qui laisse filtrer un courant d’air légèrement remontant vers la surface

Nous sommes à -9 m et nous nous dirigeons vers un gouffre (-24) qui n’est plus qu’à 55m de distance plane et 40 m en dénivelée nous manque pour jonctionner…


Très certainement, c’est un ancien drain sous glaciaire, du temps ou des mini langues glaciaires ont creusé des mini-cirques qui jalonnent toute la crête d’Est en Ouest dont le plus formé de tous est celui du Grandquet / Estibète.


Une belle sortie avec des objectifs d’observations atteints, une belle balade ensoleillée en raquette à faire la trace dans la neige fraiche en vue de faire découvrir et de partager une cavité exceptionnelle à cette altitude et de pointer quelques cavités pour affiner les données sous Karsteau.

9 kilomètres parcourus, 900 m de dénivelée incluant la partie souterraine, une journée de 9h en prenant notre temps à contempler ces beautés que nous partageons dans ce CR.

Un puits à revoir aux beaux jours, pourquoi pas l’objectif d’une future sortie conviviale et d’explo ?

Dol’s.


Photos : I. Abadie, J. Esquerre, A. Dole


Commentaires

  1. Magnifique Grotte du Déserteur ! Merci aux infos qui nous ont permis d'y retourner avec Kat quelques jours plus tard, avec pratiquement les mêmes forêts de pénitents de glace, stalagtites, stalagmites, cascades et l'alcove de glace si bien décrite. Un grand moment ! Les conditions météo n'étaient par contre pas tout à fait les mêmes...

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