Les étoiles brillent aussi sous terre... au Quéou

Mardi 28 juillet 2020 Pierre, Jean, Marc Ch.

A moi l’honneur de raconter le périple quéoussien de ce jour mémorable...

Voilà un bon moment que le Quéou m’attirait tout en suscitant mes craintes sur ma capacité à l’apprivoiser. Ayant raté la sortie du 22/07 avec les filles du club (voir CR sur le blog), je me rangeais non sans appréhension à la proposition de Jean d’aller poursuivre l’explo dans l’affluent des Sangsues, où un fort courant d’air était annonciateur d’une suite possible. Aurais-je la capacité physique ?

Nous nous retrouvons ce mardi matin vers 7h15 au Monastère, où le parking est étonnamment plein. Le temps de se préparer, nous quittons les lieux vers 7h30. 1 heure 30 plus tard nous sommes au bord du trou. Toute la montée s’effectue sous la bruine du plafond nuageux, certes bien plus appréciable pour sa fraîcheur que les chaleurs torrides des jours derniers ; mais là-haut nous sommes bien trempés !

Vers 9h45 nous entrons dans l’antre du Quéou. Le puits du Cœur, le P65 bien fractionné, quel plaisir. Mais pas le temps de s’attarder... Jean nous fait comprendre à son père, Pierre, et moi, qu’il a un bateau à prendre à midi à la plage de la salle à Manger !

C’est donc à un bon rythme soutenu que nous enchaînons les méandres, les salles et les puits. Le passage par la salle du Scrouitch est Waouh !

Aragonite et choux fleurs dans le Scrouitch

Et d’une manière générale je suis séduit par les immenses volumes de certaines salles et certaines cheminées interminables, sous l’Artigue de Richou.

A midi pile, nous sommes assis au bord de l’eau dans la salle à Manger, en train de casser la croûte... Jusque-là c’est pas mal...

La nourriture est abondante, la boisson également, mais le repas est vite avalé (sans doute pas encore assez pour Jean...) ! Mais c’est bien repus et à l’heure qui aurait été bienvenue de la sieste, que nous partons parcourir la rivière du, beau conduit pratiquement horizontal, dans lequel s’écoule l’actif. A la confluence de l’affluent des Sangsues, Pierre et Jean poursuivent vers l’objectif du jour, tandis que je suis encouragé à gagner le siphon terminal à -458m. Une fois atteint et passé quelques minutes les yeux plongés dans les eaux noires, à l’affut de la vision d’une hypothétique lucarne sous-marine..., je rejoins l’équipe déjà à l’œuvre au bout du terminus sur étroiture de l’affluent.


Le siphon terminal à -458 m

Le conduit de l’affluent est séparé par son milieu par un plancher stalagmitique, au-dessous duquel coule un petit actif. Au-dessus, allongé tête en avant, nez collé au plafond, Jean burine, Jean martèle, Jean perfore, Jean paille, Jean bourre, Jean fait péter, bref Jean désobe... Plus déterminé que jamais, il nous stimule, car il veut passer ! Ça tombe bien, nous aussi ! J’évacue les déblais de sa production, tout en démontant petit à petit la gangue de calcite qui recouvre un remplissage d’argile et de petits galets facilement friable dans la partie précédant la désobstruction. Pierre prépare les mèches, les pailles et profite des burin et massette libérés quelques minutes pour préparer l’entrée-sortie dans la partie du boyau dans laquelle nous nous trouvons.

Sangsue en ballade

Je n’oublie pas notre carburant : un courant d’air de dingue ! Le bruit du vent couplé à celui de l’actif qui coule sur des galets peu après l’étroiture, fait un vrai bruit d’extracteur électrique. On se sent aspirés vers... la suite ! Après une heure-et-demi d’efforts sans discontinuer Jean se tortille et passe le premier ! Il a réussi à dégager le boyau qui se passe à condition d’adopter la « ligne limace ». Jean crie sa joie dans le volume qui vient de s’ouvrir. On ne tarde pas à le rejoindre ! C’est l’euphorie ! En effet l’étroiture s’ouvre sur l’actif des Sangsues aux dimensions de géant, si on compare avec les 10 mètres venant d’être franchis.

Le courant d'air dans l'étroiture des Sangsues

Nous ne tardons pas à nous engouffrer dans ce méandre actif au débit bien conséquent, direction plein est, puis assez rapidement plein nord. Nous craignons à tout moment le rétrécissement impénétrable ou le siphon terminal, mais non, nous poursuivons la progression de plus en plus courbés, puis couchés plusieurs dizaines de mètres dans un laminoir dont le lit de l’actif occupe presque toute la largeur. Le casque racle et le nombril est à tremper... Puis, toujours ébahis d’être encore en progression, le méandre s’élargit de nouveau en hauteur, nous nous remettons debout. Ensuite c’est le graal... Nous débouchons dans un gros gros volume qui rapidement remonte dans le pendage, avec l’actif et son débit tout aussi conséquent que celui du Quéou. J’estime à la louche le débit à 0,25l/s. La direction est alors ouest-nord-ouest.

L’affluent des Sangsues 10m après l’étroiture

Nous progressions dans un deuxième Quéou, un canyon de trente mètre de large et plusieurs dizaines de mètres de hauteur. L’actif est sur la partie gauche de la galerie ; c’est un très joli torrent sur un lit entièrement calcifié bien blanc, avec petites et grandes vasques, remplies de galets d’ophite, des milliers de galets d’ophite. Tout le reste de la galerie est occupée par des blocs enchevêtrés, mais où on progresse sans véritables contraintes. Nous n’en revenons pas de poursuivre l’ascension, encore et toujours. Du noir, encore du noir, derrière cette cascadelle, derrière ce bloc, derrière ce ressaut... Quand cela finira-t-il ? A la sortie au grand jour ? Nous parcourons peut-être 300m de dénivelé avant que l’actif se sépare en deux. Au croisement il y a une très jolie cascade de calcite d’une blancheur immaculée, ponctuée de très jolis gours, remplis de mini-gerbes de cristaux de quartz (?). La partie gauche de l’actif, qui est la suite en ligne droite dans le pendage, nous mène à des passages jugés impénétrables au bout de quelques dizaines de mètres. Mais la partie droite se poursuit, c’est là qu’est l’essentiel du débit. Après 20 mètres parcourus dans l’actif, nous décidons de rebrousser chemin ; il est tard, il faut songer au retour. Nous estimons avoir parcouru près d’un kilomètre depuis l’étroiture et +300m de dénivelé. Les sourires inondent nos visages !

Au terminus sur rien, la photo souvenir !

Après la photo au terminus sur rien, nous rebroussons chemin. 

A l’étroiture, pendant que nous rangeons tout le matériel de désob, Jean finit de gratter pour élargir le passage des ventres des futurs aventuriers qui viendront se frotter à cette étroiture. Nous faisons une bonne pause à la salle à Manger, histoire de recharger les accus.

Après la galerie du Scrouitch, la remontée est particulièrement laborieuse pour moi, tandis que Jean et Pierre galopent comme des cabris. Ce sont des machines de guerre ! Moi je ne comprends pas pourquoi mes pieds ne m’obéissent plus ; ils ne se lèvent plus dans les ressauts et j’en escalade plus d’un à genoux... Pour les deux derniers petits puits, c’est comme si on demandait à un caillou de pratiquer les techniques de remontée sur corde... Heureusement un soupçon de niaque permet de remonter le puits du Cœur, P65, sans appeler l’hélico... Mais ce sera l’éloge de la lenteur...

Quelques beaux volumes dans le pendage…

Il est près de 21h quand j’émerge, TPST 11h, il fait encore jour et bien chaud dehors. Jean est là depuis 40 minutes et Pierre était resté en visuel avec moi.

Nous piquons vite vers la cabane d’Aülhet pour nous sustenter une dernière fois avant la descente. Ce dernier partage de repas est particulièrement sympathique, assis sur le banc sous la galerie extérieure de la cabane, face au Montné et à la nuit qui tombe aussi vite que la pluie qui n’a pas dû cesser depuis le matin.

La descente s’effectue à la frontale dans la bonne humeur, malgré la pluie et les dalles hyper glissantes. Au monastère Maître Jean-Claude nous attend de pied ferme. Il est pourtant 23h45, mais il veut entendre en direct les réactions des nouveaux explorateurs de « sa » grotte. Quelques échanges ! Des mercis ! Des « à la prochaine pour la suite ! » et nous nous quittons pour une bonne nuit réparatrice, des étoiles plein les yeux...

A tête reposée le lendemain, je repense à cette superbe explo dans le Gouffre du Quéou. Fa-bu-leu-se explo, dit Bubu !

Tous les superlatifs sont là pour moi !

Ma plus profonde cavité : -450m.

Mon plus long temps passé sous terre : 11 heures...

Ma plus longue exploration en première : +300m de dénivelé/près d'un kilomètre de développement...

Mes plus belles pierres semi-précieuses en liberté, des ophites de toutes sortes : des milliers...

Ma plus grosse fatigue de tous les temps !!!

Et qu'il était bon d'être sous terre pour savourer tout ça entre amis !

 

Marc Ch.

Commentaires

  1. Que c'est bon, mais que c'est bon ça ! Fa Bu Leux.

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  2. Bravo, des sorties comme on aime en faire.

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  3. En relisant ce CR plusieurs semaines plus tard, j'en suis encore ému et ébahi... Quelle chance inouïe d'avoir été là au bon moment !

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