Au gouffre du Mont Caup

Le gouffre du Mont Caup, ça fait longtemps que regarde la topo avec attention et non sans l’envie d’y faire un tour. Je connais bien sa modeste entrée, entrevue plus d’une fois lors de palpitantes journées de prospections stériles en sainte terre Nistosienne. Cavité historique devenue emblématique de par ses grands puits, sa situation et ses tristes événements. 

Historique revu par un petit merdouzet

C’est Jolfre (who else?) qui la découvre en 1967 et s’arrête dans le méandre non loin de l’entrée devant une étroiture humide, l'absence de courant d’air n’ayant probablement pas attisé son flaire pourtant légendaire. Les premières explos débutent véritablement en 1969 avec P. Giangiobbe et J.P Combredet lorsqu’ils le reprennent et découvrent un énorme puits dont l'écho formidable semble largement pallier à l’absence de courant d’air!

Pendant plus d’un an, impossible de poser les bottes au fond... Au départ avec 95m d’échelles, Combredet se retrouve plein gaz avec l'impossibilité d’estimer la taille du puits tant celui-ci leur semble vaste. Donc à l’époque, quand à l’échelle c’est compliqué ben tu fais beaucoup simple (hahaha), tu prends un treuil (mis à dispo par le CRS 29 de Lannemezan)! C’était l’himalaya le truc, trimballer un treuil dans le méandre alors étroit, bétonner des barreaux en ferraille, descendre au méga frottement et espérer ne pas ressortir quelque part en Asie. Bon cette fois-ci ils touchent le fond du P167, solides les types mais reste encore le P92. Très simple; deuxième puits, deuxième treuil, bah oui. Pour une raison manifestement inconnue, Giangiobbe pendu au bout du second câble remonte à 10m du fond. Dommage! 

Entre-temps ce coquin de Giangiobbe achète les terrains autour de l’entrée pour s’assurer l’exclusivité des explos, habile! Il bétonne et met une porte, trop malin! Mais du coup l’équipe du CRS 29 est moins encline à lui prêter les treuils, il est donc seul, et seul on va vite mais pas très loin. Ah là là.. une autre époque… attends voir t’as déjà fait un tour dans le plus grand réseau du coin? euh?..

Sans treuil il n’ose rien faire et il faudra attendre 1973 pour que Combredet y retourne avec Paul Courbon (qui est déjà dans le turfu, corde de 9mn et tout, il a pile l’âge de Thomas à l’époque). Giangiobbe a pas l’air trop chaud parce-qu’il est manifestement incapable de suivre les deux loubards sur leurs ficelles qui en 13 heures, vont finalement faire l’aller retour au fond pour n’y trouver qu’un méandre impénétrable! Une fessée qui claque bien quand on pense atterrir dans le cours souterrain de l’Arize. L’opération était légère et rapide, les deux spéléos n’ont pas posé le pied dans les immenses galeries qu’il n’ont qu’aperçu au deux tiers du second puits, étant réduits à la lueur de leur acétos et probablement absorbés par le fond.

Au cours de la décennie quelques spéléos y font des visites classiques, attirés par ces verticales parfaites, sans forcément aller mettre le nez dans les lucarnes et galeries qui s’ouvrent dans les deux puits. Il faut dire que cela devait être délicat, la cavité était alors reconnue comme relativement difficile de part l’étroitesse du méandre jusqu'à -40 et des têtes de puits, sans compter l’impossibilité manifestement absolue de fractionner les puits.

L'entrée du gouffre

C’est en 1974 Combredet et Charvet poussent à -306m après une étroiture méandre terminal, ressaut et arrêt sur un nouvel étroit, présence de courant d’air à ce moment-là.

1975, “deux Cavaillonnais” pendulent et découvrent enfin la grande galerie remontante qu'ils nomment Darboun. En 1977, C. Bès (Stoche) et une équipe visitent le fond, une semaine plus tard Christian Bourlier trouve la mort à la suite d' une grosse crue (entraînant des chutes de pierre). En Juillet 1979, Bigot, Ravail et Respringher, découvrent le réseau d’argile après une escalade de 6m au bas du P167 (nous n’avons actuellement aucune info sur cette “branche” qui ne figure sur aucune topo). En septembre 1979, Bigot et Marsollier poussent dans le “Réseau Sud” ou une galerie descendante les amène à -296m, arrêt sur colmatage d’argile et laisse d’eau. 

Exploration de 1977 : préparatifs dans l'école de Génerest.
(Archives Stoche)


Explo de 1977 : Stoche à l'entrée du gouffre

Explo de 1977 : Patrick Géa au sommet du P. 90.
Il n'y avait pas de main courante.

Explo de 1977 : Patrick Géa et Jean-Pierre Pitot au bas du puits Sonore,
à l'époque sans fractio !

Mes plus grands respects à ces spéléos s’y étant aventurés dans les conditions de l’époque, il faut bien comprendre que la spéléologie était à ce moment autrement plus rude, incertaine et difficile.

Prélude

Maël, mon acolyte Nistosien, m’appelle alors que je suis en pèlerinage Cantabrique… “-Dams, faut pas partir dans tous les sens c’est sûr, mais le Mont Caup ça te dirait pas de le reprendre? Depuis le temps qu’on en parle.. c’est quand même pile entre le Bourridet et Plan de Pouts... -Mielon, tu prêches un convaincu.”

Tout juste arrivé, le temps de trouver une nouvelle paire de pompes (sombre histoire de canidé cleptomane cantabrique) qu’on part faire un tour au TP30 avec Thomas. Je lui montre la topo du Mont Caup à une heure bien tardive en prévision d'un prochain coup d'État et il se convainc tout seul essayant d’emporter Val’ dans sa clairvoyance. Une chose est sûre, ils seront de la partie.

  • 08/06/2021 (Adrien et Damien)

Je pioche dans mon matos pour préparer de quoi reconnaître le gouffre. Adrien a bien mal au dos, mais finit par laisser de côté ses douleurs quand je lui propose de jeter des cailloux dans le P167 tant qu’il n’y a pas de cordes. On part donc en fin d’aprem pour aller reconnaître ce puits et l’éclairer comme on peut le faire aujourd'hui, histoire d’inspecter les parois.

 Toujours pas de courant d’air mais à la descente, surprise… Le méandre est bien élargi! Je vois une broche pimpante et ça fait tilt… Gustave! Mais oui, quand on flirtait avec les Cots sur le Mont Sacon, Patrick m’avait mis en lien avec Gus qui était alors en quête d’objectifs intéressants. Il avait déjà écumé pas mal de trous délaissés pour les reconnaître et m’avait alors parlé de cette opération préparatoire au Mont Caup, il y a 3/4 ans. On profite donc des élargissements, Gus (sans oublier son binôme du club Airbus dont le nom m’échappe, mea culpa), quand ils désobent il font pas semblant, c’est top, merci pour ce boulot. On compose avec les broches et les spits déjà en place pour trouver un équipement confortable que je laisserais à fixe en débitant des cordes perso.

Les travaux de Gus et ses amis
 
Arrivé devant le puits, nouvelle surprise, les derniers tirs n’ont pas été purgés… On s'oblige a terminer le boulot, quel effort, vous imaginez!... Une fois la tête de puits saine, quelques “waouhhhculéééé” entrecoupés de fou-rires, du mondmilch dans les yeux et deux goujons plus tard me voilà pendu le cul dans le vite, à scruter le quartier… Bon c’est vrai que dans l’axe c’est blindé de mondmilch mais après avoir gratté 5cm, ça sonne très, très clair. De l’autre côté, la paroie est bleue, parfaite… on se décalera facilement là bas. Ca évitera de manger un caillou, boire la tasse, salir sa combinaison et surtout permettre de tout fractionner contre paroi pour descendre et remonter confortablement. Bon, c’est décidé y’a plus qu’à, conversion et remontée, on déséquipe le méandre d’entrée pour revenir avec les longueurs plus justes. Je finis tout de même par achever mon épaule déjà entamée par le TP30 juste avant de sortir du trou, larme de sang pour mon petit corps bien fragile...

  • 10/06/2021 (Thomas et Damien)

Le problème en spéléo, c’est le syndrome du petit poucet. Trop d’objectif, pas assez de matos et on a déjà bien saigné le GSHP avec le TP30. Après bien des coups de fil pour glaner des infos et chiner du matériel, je file la vieille chez José (expat’ du SCM11 dans le 65) pour opérer un racket en règle; mitraillette de goujons, plaquettes, prises de guerre en tout genre sorties des gouffres oubliés aux alentours… 

Thomas au parking

Thomas me retrouve à 9h, on file vers le trou, je lui explique à peu près 346 trucs sur le coin en 25 mn de route. On prépare les kits, on rééquipe tranquillement l’entrée et on arrive vite en haut du P167, je pars commencer à équiper, je misère au début dans le mondmilch (j’aurais mieux fait de penduler direct, ce qu’on fera la prochaine fois). Je rage sur un goujon qui me joue des tours et laisse la main à Thomas au bout du 4ème frac étant atteint du pipi fou (il faut absolument que je pisse une millième fois depuis l’entrée).

Équipement en tête du puits.

Bon j’étais parti pour bien fractionner ça dès maintenant mais Thomas a raison, faut d’abord jeter un oeil. Je le regarde descendre en mode araignée en lui disant n’importe quoi au talkie (bien pratique pour des infos précises, mais finalement surtout pour rigoler). Une tirée de 60m et un passage de nœud plus tard on se retrouve enfin sur un superbe palier, en face de l’arche qui sépare le puits ponctuellement en deux, du côté opposé de la descente classique plein pot. Une nouvelle tirée d’une quarantaine de mètres nous mène au fond du P167, ça fait environ 3h qu’on est rentrés dans le trou.

En tête du P.167

 
Le haut du puits

Je grignote pendant que Thomas poursuit, 45m plus tard une main courante et deux frac et on est au fond. Le premier puits est déjà très beau mais le second l’est encore plus, d’une régularité exemplaire. Il recoupe les grandes galeries (Darboun et Réseau Sud), qu’on laisse pour le moment. En bas, on a le choix entre deux petits puits, on a pas l’impression qu’il communiquent. On choisit celui où tombe l’eau, on franchit tous les deux une brave étroiture sous une pluie normande pour déboucher dans l’autre qui donnait en fait directement accès au méandre, astucieux!  

A mi puits dans le P.167

Thomas, plein-gaz dans le P.167

Quelques mètres dans le méandre, un fouinage aux alentours et je me couche dans le virage étroit du méandre (première étroiture historique) pour passer la tête de l’autre côté, ça passe à l’aise mais pas l’envie de se tremper plus sachant qu’on va revenir agrandir, on est bien douillets en 2021! Le bruit d’une arrivée d’eau et une résonance se laisse entendre derrière, sûrement un élargissement ponctuel à la faveur du ressaut précédent la seconde étroiture historique. Thomas remarque une salle dont l’accès devra être agrandi juste au-dessus du méandre, dans le même axe… Ce sera peut-être plus facile par là, à voir. Il n’y a pas de courant d’air à proprement dit, mais une circulation d’air est perceptible. A la remontée, on regarde pour penduler dans les galeries en décrochant les derniers fractionnements mais ce n’est pas l’idéal on risque de toncher la corde. On verra ça à la prochaine descente en fractionnant une nouvelle ligne, ça fera un objectif pour venir plus nombreux.

La main courant d'accès au P.90

Le P.90 vue du haut

On laisse équipé le P90 et on décide d’aller voir les lucarnes facilement accessibles dans le dernier tiers du P167. Il y a beaucoup d’options plus ou moins intéressantes, après une petite session de lasso sur concretion, j’atteint l’une d’elle qui s'avérera vaine. Au retour je pendule pas très loin, dis donc j’ai fait bien des histoires pour l’attendre cette lucarne en fait le pendule est minuscule! Mais c’est qu'au-dessus la corde est en maintenant piégée dans un becquet impossible à décoincer, je remonte prêt à me le prendre sur la tronche et tout vas bien, il était solide. D’autres options sont revues au niveau du beau palier, il faudra aller voir ces petits puits parallèles pour vérifier s’ils ne sont pas borgnes (et/ou s'ils redonnent seulement sur le grand puits). On déséquipe tout le P167 pour revenir avec des longueurs adéquates et mieux fractionner le puits on est vite dehors après 8h passées sous terre.

Technique du bourin des bois pour ne pas se mouiller

Vue de la première étroiture

Prochaine fois, 3 équipes, une au fond à la mine, une dans les galerie en escalade et une en train de penduler dans les puits.. on va pas avoir froid !

  • 04/07/2071

Tiens regarde ce que j’ai trouvé sur les archives de Karsteau, punaise le CR à rallonge quel cinéma! T’imagines ces blaireaux, descendre avec des frontales LED, des cordes et remonter au jumar avec des kits au cul.. vois le chantier, ils étaient aussi déterminés que débiles!

Merci à Alain Bressan, Michel Lafitte, Stoche (le seul que je connaisse pour l’instant à avoir mis le nez au fond) pour vos infos, à Gus et son acolyte pour les élargissements initiaux, aux frères Bouquet et leur père Christian pour leur temps et leurs infos. Maintenant, reste à récupérer une bobine de 200m pour équiper d’une tirée de premier puits et quelques amarrages pour continuer à fractionner, je mène actuellement de savantes négociations avec le SCM11 qui sont peut-être en mesure de nous aider, comme ils ont toujours su le faire, merci encore.

Thomas teste les bienfaits du mondmilch


PS: Si des personnes ont des contacts avec des spéléos cités dans l’historique, je serais vraiment intéressé de discuter avec eux pour plus d’infos, surtout ceux présents en 75 et 79. 

 


CR de Damien avec les photos d'archive de Stoche


Commentaires

  1. Merci Damien pour ce CR vivant et bien documenté. D'accord, il n'y a pas vraiment d'air, mais il peut y avoir de bonnes surprises vu l'ampleur de la cavité. Donc bonnes explos.

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  2. 1977 Gouffre du Cambou de Liard, Gouffre du Mont Caup, une année qui ne m'a pas laissé indifférent.

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  3. Bonjour, étant arrivé par hasard sur votre article, je vous confirme que nous sommes descendus plusieurs fois au Mont Caup en 1978 et 1979, voir 1980 si mes souvenirs sont bons, avec Bernard RAVAIL, Jean-Yves BIGOT et Jean-Pierre COMBREDET. Avec ces 2 derniers, nous y avions fait la topo. Ayant complètement décroché en 2012, j'ai éparpillé mes docs. Auriez vous, par hasard une copie de notre topo de 1979-1980? Cordialement, jp

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