TP30 : Voyage de noces au venturi squat

Il y a deux mois, on s'organise pour passer la semaine au bivouac du lundi 05 au vendredi 09 février, histoire de rentabiliser notre lune de miel.

Suite à un week-end SSF65 fort sympathique, Thomas et moi enchaînons avec le TP30 avec comme objectif d'y passer la semaine. On n'échappe donc pas à la longue séance habituelle de brassage logistique; batteries, quincaille, nourriture, matos topo, néoprènes et j'en passe. Chaque gramme est compté, chaque centimètre cube de volume nous coûte cher. Résoudre cette équation nous impose d'entrer assez tard sous terre, il est 16h lorsque nous quittons la surface armés de trois kits bien tapés. Nous voici désormais partis pour huit bonnes heures de descente sur l'autoroute du plaisir, qu'on reprendra en sens inverse dans cinq jours. 


Conditionnement des rations


Il est environ 1h du matin et une réconfortante odeur de moisi se fait sentir dans la galerie des Marginaux, on vient d'arriver au bivouac. Plutôt chargés, moins entraînés (Thomas sort tout juste de son carambolage en parapente et moi j'avais oublié que je faisais de la spéléo), la descente nous a quand même entamé. Heureusement cette fois-ci la cavité était très sèche rendant certains passages plus digestes. Très vite notre petite routine se met en place, lorsque l'un est de corvée d'eau l'autre commence à bricoler la bouffe (savant mélange de diverses ressources lyophilisées).


Préparation des ancrages pour demain


La première nuit n'est jamais la plus agréable car les duvets sont encore bien humides en général (la seule chose qui les sèche c'est nos corps dedans), mais on dort quand même assez bien, jusqu'à environ 10h... hier on est arrivés tard. On décolle du bivouac aux alentours de 12h en rebroussant chemin (vers la sortie, euh, dès le deuxième jour ?!) vers l'objectif qu'on avait découvert en fouinant une salle dans Les mystères de l'Ouest. La veille on avait laissé le matos nécessaire à l'explo sur la route. On met environ 45mn à atteindre tranquillement l'objectif, ce n'est que de la marche, il fait chaud! On poursuit la suite de la grande salle rive gauche de la galerie Le Bon, la Brute et le Truand. 


La salle en question

Arrivé devant le puits qui avait stoppé notre progression la fois dernière, on se rend compte que d'un; le perfo laissé sous terre depuis la dernière fois adore s'arrêter tout seul et que de deux, on a laissé le marteau au bivouac. On arrive quand même à descendre ce premier P6 (ça doit faire 5m par 15m), puis petit carrefour avec un nouveau P8 et un prolongement qui s'arrête 20m plus loin dans des éboulis. La zone est bien pourrie, plutôt fracturée et éboulée donc on se méfie.. on purge bien et on compose en essayant d'utiliser le moins de matos possible (on s'attend à en avoir besoin les jours suivants). Bon la corde est tendue du puits précédent mais il risque de ne pas y avoir assez, nous raboutons avec nos 15m de dyneema. Une petite dev plus loin et coup de chance l'élasticité de la corde nous évite le passage de nœud, sur la pointe de pieds. Dam's me rejoint, même si ça sent le tas de pue.  Arrivé en bas du second puits on se faufile tout pile en bas du cône de déjections vers une suite entre blocs et parois qui finit par cuter au bout de quelques dizaines de mètres. Bon c'est pas du grandiose et il n'y a toujours pas de courant d'air. C'est bien dommage mais ici c'est fini.


Ca queute mon pote

Sur ce ont enchaîne sur la topo de cette zone et on remballe jusqu'au carrefour avec la galerie principale. De retour vers le bivouac, il doit être 16/17h lorsque l'on s'arrête devant une escalade alléchante en main droite. Ca grimpe en libre mais un point est nécessaire pour se protéger donc, un pulse suivi d’une arnaque en haut… pas de soucis y’a qu’à retirer le pulse et demi-tour en désescalade! Sauf que le pulse est tellement bien là ou il est qu’il ne veut plus sortir, bref je peste à mort, Thomas monte et toujours rien… on perd du temps. On finit par y arriver en s’agaçant à deux dessus, ouf!

La journée fut bien remplie, nous vaquons alors aux différentes tâches, ranger, aller chercher l'eau, préparer à manger, préparer le matos des objectifs de demain... Et dire que certains croient que l'on a le temps de s'embêter au bivouac, se demandant si on ne prends pas un livre ? Ou un jeu de cartes... Non en réalité il n'y a pas de temps mort, par contre nous, nous le sommes.


Cette seconde nuit se passe bien, et là encore nous avions l'habitude de devoir ressortir le troisième jour or là un bien bel objectif nous attends poursuivre l'exploration de la galerie Ruée vers l'EST. Il nous faudra là aussi une bonne quarantaine de minutes pour atteindre notre objectif. Nous allons passer un peu de temps à topoter quelques endroits déjà vu. Tiens dans cette salle il doit y avoir une suite mais la dune d'argile et le plafond desquamé empêchent le passage. On file à côté dans une autre salle qui tourne un peu en rond, pas de suite évidente, rien de concret. 


La suite est potentiellement derrière, il faut gratter. C'est dans le prolongement derrière la dune d'argile contre le plafond desquamé

Même endroit vu de dos à la photo précédente (donc ici dos à la potentielle suite)


En poussant les investigations nous tombons sur un petit méandre sujet à débat l'avions nous vu la dernière fois, probablement pas mais là oui !! Nous avons le courant d'air tant attendu. Sauf que quelques mètres plus loin une trémie nous barre le chemin, tandis que le Dam's tente un passage au-dessus je ressens le courant d'air entre des blocs. Je commence à creuser en l’attendant puis nous nous y mettons de concert. Merde, ce bloc est vraiment tanqué, il nous reste des accus, nous tentons deux fois un quart de paille en vain. Oui on désobe à -750m, la vie est douce. Un peu décontenancés par notre échec, nous dégageons quelques blocs adjacents et finissons par le soulever à deux. Bon la suite n'est pas large mais ça passe. 


Les plafonds dans le coin

Le "petit" méandre sujet à débat

Derrière la galerie continue en montant, coupée par un passage descendant, la topo nous révélera que la petite salle terminale se situe sous la trémie de départ. La suite, malheureusement, on sait où elle se trouve. Tout le courant d'air par dans la suite de la galerie mais nous nous trouvons 2/3 m sous de très gros blocs bloquant le chemin et dont l'agencement ne donne pas l'envie de les titiller. Quel dommage, il doit y avoir beaucoup de première à faire derrière cet obstacle. Pour autant notre motivation est intacte car nous avons de nombreux points d’interrogation tous plus alléchants les uns que les autres. 


Fouinage les yeux en l'air dans la Ruée vers l'Est

Bon beh ça c'était avant d'arriver au terminus de tous ces départs. Ça queute de partout, mais vraiment. Moi qui suis d'un espoir et d'un optimisme sans faille dans la vie en général et en spéléo en particulier je dois bien l'admettre nous sommes de la baise.


Aperçu de la zone Ruée vers l'Est

Les fameuses excentriques du quartier


Ayant écumé tous les moindres recoins, nous profitons de cette fin de journée pour revoir la trémie terminale de Spliff on The Rock. Il s'agit d'une trémie remontante au fond de la salle, peut être un ancien puits totalement comblé. Des petits pissadous ont nettoyé les rochers, nous mouillant (le top avant de retourner au bivouac!) mais laissant de beaux vides de soutirage. Nous remontons pas mal mais ici aussi c'est à la fois dangereux et pas très motivant, pas de courant d'air notable ni de suite visible. Dommage (encore).


De retour au bivouac après cette maigre journée, nous nous réconfortons avec un petit Tang, mais surtout des Pop Corns hypogés. Oui on a descendu du maïs gersois, un peu d'huile et hop sur le réchaud canette. L'oubli du sel ou du sucre, nous fera faire plusieurs tentatives culinaires, les caraméliser au Tang ou encore au beurre de cacahuète, on s'amuse comme on peut. 


Il nous manque juste le rétroprojecteur !

Et nous voici déjà au quatrième jour, nous ne voyons pas le temps passer et la lassitude est loin de nous guetter car aujourd'hui c'est baignade. Comme à l’accoutumé nous mettons une bonne quarantaine de minutes pour arriver quelques mètres avant notre embarcadère (et 45m de pur plaisir dans ce méandre aussi rascagnous qu’exposé). Nous nous changeons, puis descendons jusqu'à l'eau. 


Un grand moment se prépare

Quel bonheur d'enfiler la néoprène, ça manquait à ce trou!


Un premier choix s'impose à nous, droite ou gauche. Heu à vrai dire je choisi rapidement la gauche, car les premières visées de topo réussiront à se faire un peu hors de l'eau. Il s'agit d'une belle rue d'eau profonde, très profonde, d'un peu plus d'un mètre de large pour des hauteurs variables. Mais les parois sont plutôt lisses et couvertes d'argile, la séance topo va être sportive. Il faut nager, sortir de l'eau tant bien que mal, puis se caler en opposition glissante, ouvrir la Pelicase, sortir le disto, viser... Nous avançons à coup de dizaine de mètres, puis d'un coup ma petite rue d'eau arrive sur un lac, au milieu trône un rockberg minéral, mais surtout rempli d'argile. Je nage, longtemps, tente de choisir un endroit pour viser, sort le disto, me rend compte que ça ne le fera pas, remballe puis renage... ça prend du temps et je commence à me les cailler. Allez hop c'est bon Dam's a tout récupérer sur Topodroid, et je sors rapidos sur une rive. Nous avançons sur un très grand dépôt d'argile, dominant l'eau d'où nous arrivions. Un petit pas d'escalade du Dam's pour voir une hypothétique suite mais rien et pas de courant d'air, un peu plus bas une autre rue d'eau nous fait de l’œil, j'y nage dedans mais ça queute également et le courant d'air est absent. 


Il est donc temps de revenir sur nos pas ou plutôt sur nos coups de brasse (là je pense qu’on a rarement nagé aussi vite!). Arrivé à l'embarcadère nous commençons la topo de l'aval, là où j'étais passé la dernière fois avec seulement mes gants. Je n'avais pas rêvé car quelques mètres plus loin nous avons là aussi une très belle rue d'eau. Dans l'euphorie, et surtout étant sur un caillou hors de l'eau, Damien veut faire des photos en plus de la topo. Étant bien brave, je me les cailles pour faire le modèle. Allez dépêche toi... Son portable bugue, ça l'énerve les photos sont floues, je me les cailles toujours, c'est vraiment génial le TP30 ! 


Voici la photo la plus potable que j'ai tirer de notre séance aquatique

Allez on reprend, on sort difficilement de l'eau, en oppo sur l'argile, on sort le disto, on vise et là on glisse oh, merde pas le disto !! C'est à ce moment là que l'image de la statue de liberté me parvient, la main le plus haut possible mon corps s'enfonce dans les abysses, je serai trempé jusqu'au poignet mais j'ai sauvé le disto. Quelque temps après, lors d’une désescalade foireuse pour éviter l’eau, je zippe sur de l’argile, tombe, mais me rattrape in extremis d’une main sur un béquet de la paroi opposée, 180° oblige! Un mouvement digne d’Edlinger mais sans le physique d'Edlinger, j’aurais très bien pu me déboiter l’épaule ou m’éclater en dessous, on va y aller tranquille… Nous reprenons notre avancée et un petit passage en hauteur salvateur nous permet de nous tenir un peu hors d'eau. Je continue les visées, puis là brusque interrogation du Dam's tu viens de me faire le cheminement non ? Oui pourquoi, j'ai 45cm et tu dois bien être à 7/8m. Et merde, putain de buée, il est vrai qu'ici aussi l’absence de courant d'air se fait sentir. Nous sommes dans une sorte de hammam scandinave, y a de la vapeur d'eau partout et tu te pèles les couilles. Déjà que viser en oppo fébrile sur de la glaise avec la tremblote c’est pas dingue, alors si en plus faut faire des visées de 50cm, c’est mort.


Nous abandonnons la topo après quelques visées supplémentaires (il y a donc au moins 100m non topographiés, de toute façon monotones). Le terminus de cette galerie s'arrête sur un énorme siphon, mais quelques dizaines de mètres avant nous avons en rive droite une  arrivée, dans un endroit assez grand, et une sorte de lucarne. Après une petite escalade, oh tiens donc, un nouveau lac de l'autre côté. La corde vite posée nous permet de prendre pied sur une plage. Damien part grimper dans les plafonds de cette salle, durant un petit moment. En gros le temps de vraiment se dire ce que je fais c'est n'importe quoi et y aura rien et on est loin, très loin, trop loin… A ce moment j’enchaine des escalades en libre de plus en plus exposés dans des prises d’argiles plus ou moins durables, ça n’est pas raisonnable et de toute façon rien de prometteur ici.  


Il faut nager de nouveau pour rejoindre le sec, nous sommes frigorifiés, ma 2mm toute trouée est un peu juste. II a quelques temps on m'a gentiment évoqué le complexe de la chauve-souris, je crois que mon anatomie comprend totalement. Là c’est sûr, on a bel et bien perdu notre gland de lait! Enfin au sec nous nous réchauffons dans la remontée du méandre du Bat Trip. 


Voici ce qu'on laisse en réserve avant de remonter, 10 rations

Dernière petite soirée dans ce bivouac (qui nous semble alors) tout douillet. On range, on étend, on prépare, on discute et rigole de nos péripéties et des suites à donner. Le lendemain la remontée est ponctuée par les courtes pauses servant à filtrer de l’eau, le filtre Sawyer mini est compact mais punaise, il est raide. On se daube plus à filtrer qu'à remonter sur corde! Arrivé en haut le beau temps nous accueille, les rayons du soleil réchauffent nos corps qui n’ont désormais plus besoin d’être protégés par du cordura. Plus qu’à descendre à la voiture en anticipant le pétage de bide de ce soir. On commence à être bien rodés, encore une explo rondement menée. 


Toujours une belle ambiance sur le plateau


Pour conclure, nous avons pu effectuer environ 400m de topo supplémentaire au développement du TP30 (dont env. 100m avant l’ancien terminus de la trémie 1997), ce qui ramène l’ensemble de nos explos à 1,5km environ (env. 250m non topo). La profondeur n’a pas évolué si ce n’est un nouveau point haut post trémie 1997 à -702m.



Concernant l’avenir de ces explorations, les possibilités s’amenuisent mais il faut tout de même finir de fouiller complètement la zone post trémie 1997, il faudra également zieuter deux trois bricoles dans les galeries avant  cet ancien terminus. Il reste donc deux puits à descendre juste au niveau du bivouac n°2 (ils sont superposés entre galeries, donc à voir), j’aimerais également retourner au Triodenum forcer encore un peu les étroitures et surtout, il faut essayer de gratter pour continuer dans l’Amont, les speleopunks seront t’ils toujours not dead?


CR de Thomas et Damien


Commentaires

  1. Fa - Bu - Leux ! Quel régal ! Merci de nous faire vivre tout ça !

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  2. Encore un beau compte rendu dans la lignée des précédents. L'explo de ce trou est décidément bien rude et la première est chère, alors chapeau à tous les deux et merci de nous faire partager ces moments de spéléo vraie et intense.
    Patrick

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  3. Quel CR, on a attendu un peu mais cela en valait vraiment la peine. On s'y croirait mais heureusement sans y être (!). Un grand bravo pour cette explo dans les points bas spéléologique du département. Félicitations.

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  4. Superbe CR
    Toute cette première en grand bassin à -803 m c’est géant 🤩 bravo et merci de nous faire vivre par procuration cet exploit, mais de grâce faites gaffe car se peter au fond, peu de personnes pourront vous secourir et en plus à -500 il y’a les vomissures…
    Ne tentez pas le diable…
    On est égoïste on veut encore pouvoir lire très longtemps vos exploits 👍

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  5. Bravo Thomas et Damien
    De la belle expé. Quel bonheur de lire et voir la suite du TP30.
    Merci. Du grand compte rendu. Dire que le Dole avait inventé le mien parce que ça n'allait pas assez vite !!!

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  6. Moins 803. La profondeur du TP 19 est dépassée d'un petit mètre. Je ne suis plus détenteur, avec Latap's et Domi, du record de profondeur des Hautes Pyrénées et c'est génial !
    Encore bravo.

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    1. Non Bruno, TP19 c'est -804 mètres

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    2. Ha oui! Mais qu'attendent -ils pour plonger à moins 2 dans le siphon ! En plus ils ont des néoprènes ! 😉

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