L'incroyable Quéou

Pour ceux qui n'auraient pas suivi, la dernière exploration au gouffre du Quéou en juillet 2021 s'était arrêtée là :

Le terminus de 2021

Autant dire que l'objectif était attrayant (voir compte rendu du 10 juillet 2021). Mais ce n'est pas très facile de trouver une date qui convienne à tous les protagonistes, si possible en période d'étiage et sans pluie pour que l'approche ne soient pas trop pénible. 

Enfin, nous finissons par en trouver une au début du mois de novembre mais une vague de pluie tempétueuse nous fait hésiter puis finalement annuler la sortie. Lundi dernier, les prévisions météos laissent entrevoir un créneau favorable pour le week-end du 11 novembre. Cette fois-ci pas d'hésitation, c'est une occasion à ne pas manquer avant le retour éventuel du mauvais temps...

Vendredi 11 novembre

Nous nous retrouvons à 5 au parking du monastère : Jean et Pierre, Damien, Jean-Noël et moi. Derniers préparatifs à l'arrache puis nous attaquons la montée vers l'Aoulhet. Le refuge est plein à craquer et nous ne regrettons pas de continuer notre chemin pour aller dormir sous terre. 

 

Le puits d'entrée du gouffre est bien assèché par le fort courant d'air aspirant mais plus loin les ruisseaux coulent encore malgré cette longue période d'étiage. Il n'empêche que les niveaux sont globalement  bas et cela sera plus confortable pour la suite. La descente se poursuit tranquillement jusqu'au bivouac que nous atteignons vers 19 h (-450 m). Chacun retrouve sa place, hamac ou thermarest, Damien quant à lui, préfère la "chambre du haut", à l'abri du courant d'air et du bruit de la rivière. Après le repas, nous avons même droit à une petite goutte de rhum ambré apporté par Jean. A 21 h 30 tout le monde est au lit.

Au bivouac, Damien soigne sa tendinite avec le Rhum thérapeutique de Jean.

Samedi 12 novembre

Vers 6 h un halo de lumière me tire de ma torpeur matinale. C'est Thomas qui débarque, sans un bruit pour éviter de nous réveiller. Sacré Thomas ! Il s'est levé à 2 h 30 du matin de chez lui avant d'enchainer la route, la marche d'approche et la descente jusqu'au bivouac. Petite ballade de santé et de nuit sans connaitre l'entrée du gouffre ni bien sûr le reste du trou. Maintenant l'équipe est au complet. Nous déjeunons rapidement avec de bonnes crêpes au chocolat cuisinées par Thomas. C'est le grand luxe ! Départ du bivouac à 7 h 30. Au siphon terminal nous récupérons le reefnet placé là il y a tout juste deux années. 

Le boyau des Sangsues
 
La suite n'est pas la partie la plus agréable du trou car l'affluent des Sangsues débute par un méandre étroit suivi d'un boyau bas qui oblige à ramper dans l'eau sur plus de 50 m. Mais aujourd'hui le niveau est bas et nous parvenons dans les grandes galeries sans être complètement trempés. Nous sommes quasiment au point bas du gouffre et maintenant nous allons remonter l'affluent qui est un peu la copie conforme du Canyon des Quadras avec une pente plus accentuée. Le terminus est 250 m plus haut et la grimpette se fait en empruntant l'actif entrecoupé de ressauts couverts de calcite. S'en est presque ludique car la calcite adhère parfaitement et le dénivelé est vite avalé. Arrivés au derniers point topo, nous démarrons le relevé. Il y a beaucoup d'air dans ce passage étroit dans lequel s'écoule le ruisseau. Il est aussitôt suivi d'un second, style boite à lettres, rigolo, mais bien humide. On apprécie d'être à l'étiage.

A la sortie du boyau, changement de décor !

Derrière nous remontons dans la grande galerie entrevue il y a un an. Nous y sommes enfin. La progression se fait désormais au rythme de la topo et des exclamations de ceux qui sont devant car les dimensions ne diminuent pas.


Perchés sur un énorme remplissage, une dizaine de mètres au-dessus du lit du ruisseau, nous pouvons apprécier l'ampleur du conduit, plus de 20 m de large pour autant de haut.

Ici la pente et moins forte et le conduit bifurque progressivement vers le nord en travers du pendage. 

La galerie bifurque au nord en direction du versant

Le remplissage occupe désormais toute la largeur du conduit. Par endroit de gros blocs arrondis d'ophite émergent de ce dernier. Sur le côté de la galerie plusieurs cheminées attirent notre attention. 

Blocs d'ophite provenant d'un éboulis latéral.

Jean-Noël scrute le haut de la cheminée
à la recherche d'un hypothétique rayon de soleil.

 
Au bas de l'une d'elles nous trouvons quelques morceaux d'ossements difficiles à identifier (cotes, vertèbres, os longs...), mais provenant d'animaux de tailles moyennes. Également quelques petits morceaux de bois.


Pas de doute, la surface n'est pas très loin et plus tard, le report topo nous indiquera que nous avons grimpé de plus de 300 m par rapport au départ du boyau des Sangsues et que ces cheminées se situent à moins de cent mètres de la surface. Avec un peu d'imagination chacun se plaît à imaginer trouver un petit fragment de ciel bleu en haut d'une cheminée mais rien n'y fait, la seconde entrée du Quéou n'est pas à l'ordre du jour. 

Argile et concrétions dans une salle latérale.
 



Alors on cherche, Pierre et Jean-Noël fouillent la trémie qui hélas ferme la galerie, Jean tente une escalade sans suite, Damien et Thomas remontent un toboggan de calcite terminé par deux boyaux étroits. La topo essaie de suivre dans tous ces diverticules mais, à part ces cheminées, il n'y a pas de suite évidente. 

Jean se lance dans une escalade hélas, sans suite..

 
Il est près de 14 h, nous avons progressé de 600 m topo, il est temps de battre en retraite. Nous faisons quelques photos, cassons la croûte au départ de la grosse galerie et commençons la descente qui reste toujours aussi ludique. 

Les cascades ludiques de l'actif des Sangsues.

Le boyau l'est nettement moins... Au bivouac, nous remettons un peu d'ordre dans nos affaires, bouclons les kits et attaquons la remontée (450 m). 

Sapins d'argile vers le terminus.


Étonnante érosion au plafond de la galerie.
 
Nous sommes dehors vers 18 h, accueillis par un vent chaud. Le refuge affiche toujours complet mais c'est sans importance puisque nous poursuivons notre chemin jusqu'au parking. Ce n'est vraiment pas la partie la plus plaisante mais les discussions vont bon train sur cette mémorable sortie mais surtout sur sur toutes les perspectives que cela ouvre. Décidément toutes ces sorties au Quéou nous réservent bien des surprises avec cependant une constante, le sentiment d'avoir passé, tous ensemble, un super moment de spéléo.


Avec ces dernières découvertes le développement du Quéou passe à 4725 m. L'aval reste toujours inconnu mais une première analyse des capteurs reefnets laisse supposer que le siphon terminal ne constitue pas un obstacle majeur à la circulation de la rivière souterraine.

Patrick

 





Commentaires

  1. Mais qu'elle est belle cette sortie. Bravo l'équipe.

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  2. Incroyable Quéou ! Quel titre bien choisi !

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  3. Thomas c'est quand même un extra terrestre, non ? Partir à 2 heures du mat, sans connaître l'accès, sans connaître le trou et vous retrouver à l'heure au bivouac avec des crêpes au chocolat, c'est pas possible ! Si ????

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  4. Si si Bubu c'est possible et si j'ai bien compris, "arrivé sur zone" il a même attendu 20min qu'on se réveille... mais c'est pas un extraterrestre... c'est un intraterrestre ! Merci Patrick pour ton compte rendu, tes photos et la belle topo à venir ! Et merci à tous pour ce beau moment d'explo partagée !

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  5. Quelle (nouvelle) belle sortie au Quéou ! Et quel regret pour moi de n'avoir pas pu être des vôtres... Une prochaine fois peut-être... Bravo pour le titre particulièrement bien choisi, pour le CR et pour les si belles photos !

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  6. Quelle explo! Bravo. C'est toujours un plaisir de lire ces comptes-rendus.

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  7. Superbe explo... Le Quéou est vraiment surprenant, bravo à toute l'équipe et à bientôt j'espère

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