Le variant Toupiettou, syndrome du TP 30

Mercredi 15 h 47, je suis à quatre pattes, sous l’évier, en train de tenter de déboucher le siphon. Le Dam’s vient de m’expliquer que le marc de café est un super nettoyant pour les canalisations, bon pas sur ce coup-là.

Occupé à ma difficile tâche, j’ai mal partout, un peu chaud-froid et encore envie de dormir, serait-ce le nouveau variant Toupiettou ?

Lundi, entre euphorie et inquiétude, je termine les derniers préparatifs en attendant tranquillement le Dam’s. Et oui, demain une énième sortie devrait nous amener à la fameuse trémie terminale du TP30.


Tiens, une, deux détonations de feux d’artifices, les cris des chiens des voisins, et une arrivée fracassante. Cela fait quelques mois que nous ne nous sommes pas vus. Damien arrive donc les bras chargés de matos spéléo mais également d’un carton de bouteilles remplies d’un saint breuvage Nistosien. Si la descente aux enfers est peut-être pour demain, aujourd’hui nous allons passer une bonne soirée, un peu trop peut-être…


Mardi 7 h le réveil sonne et je n’ai pas super bien dormi, ce n’est pas la méga forme. On se lève, le Dam’s se douche vite fait, puis on termine de préparer les sacs. Il est déjà 7h30 et d’un commun accord on part se recoucher pour une petite heure. Ha, la fameuse trémie ! Ce n’est pas comme ça que l’on va l’atteindre… Il est 8h30, je ne suis toujours pas en forme, cette sortie risque d’être longue. 

Ce n’est donc que vers 10h du matin que nous entamons la marche d’approche au rythme des sons du Dam’s. Il fait frais, beau et le temps est sec. Cela est parfait pour la montée. Nous croisons un petit poulain de traileur qui, distrait en nous voyant accoutré de la sorte, se casse la gueule. Nous sourions et continuons le chemin.

La fin de la marche d’approche se passe sur la neige, c’est magnifique. Je suis content je n’ai pas monté la luge pour rien cette fois ci. On gagnera 5 minutes à la descente.

Nous voici enfin arrivés près de l’entrée, il nous faut d’abord récupérer le matériel caché. On soulève quelques pierres, une bâche, des kits, un bidon étanche, une popotte, mais malheureusement, l’hiver étant déjà entamé, quelques animaux se sont fait un festin de nos victuailles laissées en prévision ici. C’est un coup dur, mais heureusement que Damien est monté avec deux lyophilisés, nous les garderons pour sous terre et nous nous faisons une soupe chinoise avec des nouilles, seuls aliments épargnés.

Ce mardi, ce n’est donc qu’aux alentours de 13 h 30 que nous pénétrons dans la cavité. Les puits s’enchainent, les longueurs de corde sablonneuse nous bouffent les poulies des descendeurs.

Nous voici déjà à -500, nous nous répartissons les deux kits et c’est parti pour les vomissures. Ce long méandre, étroit et concrétionné, entrecoupé de zones encore plus étroites se passe sans trop de difficultés. Toutefois sur la fin nous ne dérogeons pas au fait de devoir un peu nous mouiller. Un petit salut au loir et nous enchainons les différentes verticales du méandre aquatique mais sympa. Afin d’éviter la gerbe d’eau lors de l’une de ces cascades nous y installons une petite déviation bien opportune. Les deux derniers rappels sont peut-être les plus jolis. Il est vrai que l’arrivée dans les grandes salles est majestueuse. Il nous faut maintenant suivre ce cours d’eau souterrain. Au milieu des salles nous en profitons pour récupérer un peu de matos laissé la fois dernière, le reste sera au début de la première trémie. 


Le méandre suivant, comme une grande partie de ce trou, n’est pas très large. Un petit affluent plus tard et nous voilà au début de la première trémie. Nous enkitons alors les dernières cordes et autres quincailles. A partir de maintenant nous avancerons à vue. Nous remontons la trémie et quelques mètres plus loin nous nous posons quelques questions mais cette flèche indique t-elle vraiment la suite, pas de rubalise. En fait nous perdons un peu de temps dans le fameux looping que décrit le Dol’s, la suite se fait doucement pour trouver les bons passages. Ce n’est pas si facile et cela prend du temps. Nous arrivons après une désescalade à un siphon amont. Le bivouac tant attendu est ici, le Dam’s reconnait l’emplacement…


Heu… Y a quelque chose qui cloche quand même. J’ai un petit doute mais j’aimerais tant que l’on y soit déjà. Nous continuons notre progression dans le méandre, l’eau coule, elle, quelques mètres plus bas. Après plusieurs passages en hauteurs nous nous retrouvons une énième fois les pieds dans l’eau. Et nous arrivons à la cascade de 12. 


Elle est belle, et dans un bruit assourdissant, l’eau cataracte de toutes parts. Nous prenons un peu de temps afin d’équiper ce ressaut. Un autre passage entre les blocs nous permet de prendre pied au bord de la vasque du fameux siphon aval proche du bivouac. On en profite pour faire le plein d’eau et nous remontons la galerie et escaladant les ressauts successifs. Tiens un endroit un peu plat, tiens des spits se regardant face à face, c’était le lieu du bivouac. Serge avait bien raison la route fut longue, nous aussi avons mis 5 heures pour arriver jusqu’ici. Nous en profitons pour faire notre première véritable pause.


Nous sortons barres et autres compotes, réchaud pour faire chauffer de l’eau. Bon moi je ne suis toujours pas en forme, nauséeux, pas sûr que j’atteindrai la trémie aujourd’hui, et ce d’autant qu’elle est encore bien loin. Puis entre deux cafés nous entendons au loin le bruit assourdissant d’un éboulement. Médusés, la minute de silence s’imposa d’elle-même. Nous nous regardons interloqués, t’as bien entendu ce que j’ai entendu ? Non, mais là personne ne nous croira… Et c’est quoi, putain, une crue mais c’est bizarre, nous pensons plutôt à un putain d’effondrement. Ça calme un peu, j’espère que ce n’est pas la trémie. En tout cas contents de l’avoir entendu de loin, nous avons évité de peu l’évolution de l’espèce humaine vers le mode pizza.


Bon il est temps de repartir, la galerie sèche est de belle proportion. Elle bute sur une fracture avec des blocs, en levant les yeux, nous voyons la galerie se poursuivre une dizaine de mètres plus haut. Nous voici donc à l’escalade précédant la porte MAY, mais pas de chance la corde n’y est plus… On va devoir se la refaire. 

Bon moi pas toujours tip top je laisse Ironman y aller. Il renfougne sur quelques mètres et arrive à se rétablir 8/9 mètres plus haut sur une écaille. Pas de chance l’endroit le moins difficile pour grimper se situe à l’opposé de la suite de la galerie. Maintenant il doit se taper une traversée un poil expo sur du caillou merdique. Le Dam’s exécute ça à la perfection. C’est bon il prend pied à côté du mono point qui avait permis de rappeler l’ancienne corde. On transfert le perfo, on tire la corde… Quelques instants plus tard j’entreprends la progression sur ce nouvel équipement en fixe. La galerie repart à l’horizontal, puis sur notre droite une belle dalle de 2.5 m de haut sur 3 m de large nous dévoile l’entrée de la porte MAY. Ce passage est vraiment rigolo, debout sur ce bloc, nous voyons une galerie 9 mètres plus bas. Dam’s équipe la corde. Nous descendons puis nous réescaladons aussitôt. Nous remettons encore une corde afin de faciliter ce passage. S’en suit le P9, je l’équipe et prends pied dans une fracturation de petite dimension. Totalement sèche nous trouvons pas mal d’aragonite. Nous enchainons les différents passages bas, tiens ça queute. Bizarre on s’est chié où ? Demi-tour, merde on est re en bas du P9. Un coup d’œil à la topo, c’était peut être bien au fond. Il est quelle heure déjà 22h20, à ce rythme nous n’arriverons pas trop à la trémie aujourd’hui. Ou si on y arrive nous n’aurons pas trop le temps de fouiller. Décision est prise de prendre juste le matériel pour la suite et d’aller repérer jusqu’au prochain rappel. 

 



 Nous enchainons les passages et trouvons l’étroiture qui nous conduit dans la vaste galerie des Mercenaires. Enfin de l’espace, le volume est conséquent. Nous crapahutons, la progression est rapide malgré quelques rétrécissements immaculés. Par contre nous en prenons plein les yeux, je ne suis pas un fana de concrétions mais il faut bien reconnaitre qu’ici les formes sont toutes plus belles les unes que les autres. Nous prenons le temps de faire quelques clichés, cela permet d’égailler les comptes rendus.


Puis voilà le P10. Nous vidons le kit ici, et amorçons la remontée.  Nous voici déjà à l’emplacement du bivouac, un petit lyophilisé des familles par personne ça fait énormément de bien, heureusement que Dam’s est passé à Dé
cath. On se filme pour leur faire de la pub, on cherche des sponsors pour les lyophs. Malgré la fatigue il est grand temps de ressortir.



L’ascension sera longue, l’éboulement c’était peut-être juste avant le siphon, mais on ne s’y attarde pas. Nous n’aurons pas trop de difficulté à trouver le bon cheminement. Nous voici déjà au méandre sympa, à partir d’ici nous allons continuellement nous faire mouiller. Puis voilà les vomissures. Une mauvaise stratégie à l’endroit le plus étroit nous fait perdre un peu de temps. Enfin -500, dorénavant c’est vertical, il faut faire chauffer le pantin. Moi je suis mort, et bien fatigué. Dam’s lui enchaine les longueurs sans broncher, machine !!! D’autant qu’il a du mérite avec sa plaque en ferraille dans le bras.

Nous retrouvons le plancher des vaches à 7h30. Le jour se lève doucement, il fait doux, c’est agréable.

Nous rangeons tout le matériel et en laissons dans la planque. Nous n’avons plus qu’à rentrer à la voiture. Les premiers 200 mètres se feront à l’aide de notre luge de compét, malheureusement, il faudra ensuite la porter jusqu’à la voiture. A l’endroit du traileur de l’extrême nous croisons cette fois ci un chasseur entrain de monter. Eberlué lui aussi par notre accoutrement il se casse également la gueule. Fusil non cassé un petit frisson me parcours le corps après avoir vécu tout ça, cela serait con de mourir maintenant. 


Sinon le marc de café ça a fonctionné, mais le mieux je pense que c’est le sable abrasif du TP30, le lendemain nous en sommes encore tout irrité. Vivement les prochaines sorties.


 

Thomas F.

Commentaires

  1. Merci à tous les deux, avec un tel compte rendu nous profitons pleinement de votre sortie sans la fatigue qui va avec. Bravo ! La prochaine on saura à quoi s'en tenir !

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  2. Joyeux Noël aux vaillants explorateurs.

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  3. Merci pour ton CR Thomas ! J'ai encore du sable dans les oreilles, les braves bols abrasif ultra fin versés dans la nuque à chaque fois que ton casque touche la paroi (ce qui n'est pas anecdotique dans cette vaste blague), c'est toujours divin. Il s'insinue partout, tu remontes sur corde (les yeux fermés sinon ta rétine c'est le Sahara) et à la sortie même se torcher le cul devient douloureux, masque gommant à l'efficacité garantie. On a bien rigolé en tout cas, on commence à bien taquiner le trou maintenant qu'il ne reste plus grand chose à vue, vivement la prochaine!

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  4. Les photos ne sont pas vraiment dans l'ordre du récit, ça pourrait porter à confusion j'ai fais des légendes respectivement.

    1- Plateau de l'Isarce
    2- Thomas tracte sa luge!
    3 - Accès au trou sur corde
    4 - Le haut du P10 dans la galerie des Mercenaires, ou nous nous sommes arrêtés
    5 - Juste le P10 avant dans dans la galerie des Mercenaires
    6 - Bas de la C12
    7- Pause au Bivouac
    8 - Le siphon sous le Bivouac
    9 - Pose d'une dev dans le méandre Sympa
    10 - Volumes dans la galerie des Mercenaires
    11 - Idem
    12 - Avant dernier puits du méandre Sympa
    13 - Aragonite et gypse dans les Mercenaires
    14 - Idem
    15 - Passage plus fin dans les Mercenaires
    16 - Redescente en luge!
    17 - Ancien point topo...

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  5. Une luge !!! Ils sont fous les copains !
    J'adore les fous !
    Merci

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  6. Bravo à tous les deux. Quel enthousiasme !... En lisant votre CR je vous admire pour votre forme et votre volonté. Merci Thomas pour la rédaction de ce CR.
    A bientôt.

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  7. Un grand bravo.
    Je me souviens, même si c'était il y a longtemps, vers 84-85 certainement, avec Latap’s, nous étions tous les deux arrivés à la salle et nous nous étions arrêtés à ce qui plus tard a été appelé la porte MAYE, vous savez tous ce que cela veut dire.
    Eh bien, lorsque nous parcourions la salle, en première, nous avions aussi entendu un grand bruit qui nous avait vraiment surpris.
    En ressortant et en en parlant avec ceux qui était en surface, le bruit ayant été entendu vers 16/17 heures, on en avait conclu que c'était un tir réalisé à la carrière qui est très proche.
    Ne serait-ce pas la même chose pour vous ?

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    1. Et bien Thomas s'est fait la même réflexion! Bien intrigant

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    2. Oui cela pourrait être une explication car les tirs ont lieu le jeudi et l'avoir constaté à deux reprises cela semble assez curieux pour être un effondrement dans la cavité.

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  8. Je confirme pour le pet entendu près du siphon, c'était avec le Mas. Sur le coup ça refroidit bien un peu. Merci les gars c'est super de se reconnecter au TP30 grâce à vous. Bravo !
    Serge

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  9. Bravo à tous les deux. C'est comme si on y étais. J'ai même entendu le tir depuis Mazouau.

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  10. Pour info, j'ai appelé la carrière dans la foulée, ce n'était pas eux. Donc bel et bien un éboulement pour nous entendus sur l'amont. On a du déstabiliser quelques choses... ça fait un sacré vacarme.

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    1. En 84-85 nous n'avions pas eu ce réflex d'appeler la carrière. Et puis, à cette époque, on était coupé du monde la haut, pas de téléphone....

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  11. Géniale sortie et génial CR ! Bravo les gars ! Ça donne envie d'être transformé en descendeur ou pantin pour être avec vous sans se fatiguer ! Sauf de se gratter le postérieur au sable abrasif au retour !

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  12. Ha ,ce supérieur des mercenaires est toujours aussi beau.
    Merci pour ces photos qui rappel ma jeunesse.
    Je me souviens aussi du sable dolomitique ds le calç...

    L'un des 3 mercenaires de l'époque.

    PS: tu as également de jolie premier qui t'attendent dans la rattace, au fond de la galerie des malades

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