Lidar, une petite révolution en marche

Même si la spéléo n'est pas en première ligne pour bénéficier en priorité des avancées technologiques, elle finit peu à peu à en tirer profit pour ses applications les plus courantes. Ainsi, le laser fait désormais partie intégrante de la panoplie des spéléos notamment en matière de topographie pour les mesures de distances. Le disto X a relégué au placard les décamètres et autres topofils. Associé à cette technologie, le lidar commence à être, lui aussi, exploité par quelques spéléos dans leurs recherches et travaux sur et sous terre. On connaît les répliques des grottes de Lascaux, de Chauvet et depuis peu celle de Cosquer qui ont été réalisées grâce à cette technologie. Mais hélas, le matériel utilisé pour y parvenir dépasse largement les capacités financières de nos associations. Mais à l'instar du laser, le lidar se démocratise peu à peu et il ne serait pas très surprenant que d'ici quelques années un appareil utilisant cette technologie trouve bonne place dans nos musettes topo. 

Cet été, en déplacement en Bourgogne Franche-comté, j'ai eu l'occasion de retrouver Christophe, prof à la faculté de géologie de Dijon et ami de longue date qui planche sur le sujet depuis quelques années et qui souhaitait me montrer quelques applications cartographiques ainsi que l'utilisation du récent Ipad pro qui intègre une fonction Lidar. Nous nous retrouvons donc sur les hauts plateaux du Jura au mois d'août dernier pour une séance de prospection, puis le lendemain pour effectuer une topo 3D avec l'Ipad.

Sur les plateaux du Haut Jura

Avant tout, rappelons quand même ce qu'est la technologie Lidar. Le terme Lidar est un acronyme anglais pour « LIght Detection And Ranging » signifiant en français « détection et estimation de la distance par la lumière ». Pour faire simple et aussi parce que je ne suis pas expert en la matière, le Lidar envoie une multitude d'impulsions de lumière sous forme de rayons lasers qui sont réfléchies par les objets qu'elles rencontrent. La distance exacte est calculée en mesurant le temps qu'il faut à la lumière pour aller vers l'objet et revenir. La précision est redoutable (de l'ordre du centimètre voire beaucoup moins dans certaines utilisations) et les distances de mesures peuvent atteindre plusieurs kilomètres d'où les applications cartographiques à grande échelle (voir projet Lidar de l'IGN). 

Prospection spéléo et LIDAR

Pour cette occasion, Christophe a récupéré des clichés Lidar du coin réalisés par des archéos qui étudient le secteur et cherchent des vestiges d'occupations anciennes. Il s'agit d'une couverture haute définition et il est clairement possible d'identifier une entrée de cavité même de taille modeste et cela malgré le couvert forestier particulièrement abondant sur les hauts plateaux du Jura. Sur le document noir et blanc, nous repérons quelques ouvertures pouvant correspondre à des gouffres (ouvertures d'environ 1 à 2 m de diamètre). Puis, accompagnés par des amis du S.C. Dijon nous nous rendons sur place pour voir de quoi il en retourne. GPS en main nous n'avons pas trop de difficultés à retrouver les points identifiés. Malheureusement, si les creux existent bel et bien il s'avèrent ne pas être naturels. Cela ressemble plutôt à de petites carrières. D'ailleurs en regardant de plus près le cliché Lidar, nous distinguons nettement les remblais sur le pourtour des trous et qui auraient pu nous mettre la puce à l'oreille. En tout cas, l'expérience est concluante car aucun autre document topographique n'aurait permis de nous orienter vers ces cavités.

En France, l'IGN ne propose pas encore une couverture Lidar accessible au grand public via Géoportail. Le projet est en cours de réalisation mais tarde un peu à se mettre en place. En revanche, il se trouve qu'en Cantabria (Espagne) la province a financé la couverture Lidar de son territoire que l'on peut consulter et télécharger sur un site dédié à la cartographie :  https://mapas.cantabria.es/
Ce n'est pas un lidar de haute définition comme celui utilisé dans le Jura mais il est suffisamment précis pour révéler des dolines, des fractures et d'autres éléments géomorphologiques bien utiles dans nos recherches. A titre de comparaison, je vous mets 3 extraits de la cartographie locale : la carte IGN classique qui indique assez bien les principaux éléments du relief (Dolines, hoyos etc...), l'orthophoto qui, suivant les versions peut permettre d'identifier certains éléments géomorphologiques si ils ne sont pas masqués par la couverture végétale, par une ombre ou par de la neige quand il s'agit de karst d'altitude et la carte lidar qui gomme la couverture végétale en ne gardant que les éléments du reliefs pris au raz du sol.


Carte de l'IGN espagnol.

Orthophoto (carte satellite) du même secteur. Les ombres et la couverture végétale peuvent perturber la lecture.
En revanche, les fractures sont bien visibles ainsi que les éléments comme la végétation et les couleurs de terrain qui peuvent indiquer un changement de couche géologique.


Couverture Lidar. Les formes du relief sont bien identifiables et aucun autre élément ne vient perturber la lecture.

Sous terre avec l'Ipad  pro 12

Le lendemain, nous nous rendons à la Cave à l'Ours, une petite grotte d'une bonne centaine de mètres de développement que nous envisageons de topographier avec l'Ipad Pro. Christophe n'en n'est pas à son galop d'essai et a déjà utilisé l'appareil dans d'autres cavités mettant en évidence ses limites et quelques précautions d'utilisation pour optimiser le résultat.

Christophe configure l'Ipad sur lequel il a placé un éclairage led.

Techniquement l'Ipad est très facile d'emploi et après avoir lancé l'application, il suffit de "balayer" les contours de la galerie comme si l'on souhaitait en filmer tous les recoins. Peu à peu l'image se colore d'un voile rouge qui indique les parties qui ont été scannées. Le plus difficile est de manier l'Ipad dans les passages étroits. Le relevé s’effectuant en continue il faut aussi un peu de méthode pour bien couvrir l'ensemble du conduit au fur et à mesure et avec une vitesse régulière. Comme celui-ci était relativement long, nous avons préféré faire le relevé en 2 sessions. Aussi, afin de pouvoir raccorder les deux séries de mesures lors de l'exploitation des données, Christophe dispose au sol une rubalise qui est prise en compte lors des deux sessions et permettra un raccord précis en faisant chevaucher les images lors du montage.

Le résultat est assez bluffant et la précision topographique par rapport à un relevé fait au disto X est bonne. Cependant, l'appareil atteint vite ses limites car la portée n'excède pas 4 à 5 m et la mémoire ne permet pas d'engranger les millions de données résultant d'une topographie de plusieurs centaines de mètres. Mais c'est un début et on peut supposer que les applications grand public du Lidar vont se développer et forcément, les coûts devraient diminuer.

Vue de l'entrée (le personnage donne l'échelle)


Deux vues de l'intérieur de la galerie. Les zones bleues n'ont pas été bien scannées.

Le relevé Lidar complet

Les images ci-dessus ne donnent qu'un aperçu de ce qu'il est possible de produire avec ce matériel car les copies d'écran ne permettent pas de visualiser l'effet 3 D.

Vous trouverez donc d'autres exemples de projet Lidar (non spéléo) réalisés avec des Ipad ou Iphone pro mais dans lesquels il est possible de naviguer en 3D  ici.

 Lors de ces deux journées très instructives nous avons également testé des applications de photogrammétrie, une autre façon d'aborder les représentations en 3D. C'est également une technologie fabuleuse qui ne nécessite pas de matériel trop couteux mais qui trouverait plutôt des applications spéléo dans des domaines comme la géomorphologie souterraine, l'archéologie ou la paléontologie. De biens belles pistes pour aller plus loin dans la connaissance et la représentation du milieu souterrain.

 

Patrick



Commentaires

Enregistrer un commentaire