PICOS SIEMPRE juillet 2022

I et PM Abadie 

Dimanche 17 juillet :

Nous quittons la Sierra de la Demanda et son sympathique petit camping. Direction Potès plus au nord.

Après plus de 200km nous arrivons au camping de la Viorna … Y a du monde ! principalement des espagnols (normal) mais un lot très important de hollandais et d’english. Quelques très rares français. Après 5 jours de séjour en Espagne j’ai retrouvé un peu d’oreille pour échanger. On installe notre « minuscule » tente comparée au reste des matériels des autres résidents. Préparation du matériel pour la montée de demain : rejoindre les potes au camp d’altitude à Escondida. 

Petite précision. Il s’agit de fêter les 50 ans du début des explorations des charentais (Club Association Spéléologique Charentaise) sur ce massif mythique. Ce furent les frères Trouvé, grands grimpeurs de l’époque, mais aussi spéléos qui avaient orienté l’ASC vers ce terrain d’explo. Je pense que beaucoup d’entre vous connaissent Bernard Trouvé créateur de RESURGENCE et grand innovateur en matière de matériel canyon ! 

Lundi 18 juillet.

Munis de notre billet électronique réservé la veille sur les conseils de Patrice nous sommes les premiers à grimper dans la première cabine du jour au départ de Fuenté De.

Isabelle découvre enfin, sans brouillard comme la fois dernière, ce cirque magique et somptueux. 800m de montée directe de la station inférieure à la supérieure sans un seul pylône intermédiaire !

Patrice Dubournet nous attend à l’arrivée comme convenu après nos derniers échanges Whattsapp. La suite est reprise depuis son compte rendu journalier qui figurera dans rapport du camp 2022. Pour information cette sortie spéléo est une reprise pour Patrice après presque 40 ans d’arrêt de la pratique spéléo. Soyez rassurez il est fédéré et bien encadré. Il est l’auteur du livre « la crue » et de son tome 2 « Himalayas inversées » qui vient juste de paraitre.

Nuit écourtée par une certaine nervosité. Le réveil à 5 heures me laisse le temps de ce moment singulier entre loup et chien… Je surprends quelques mulots, patrouilleurs nocturnes à la recherche de nourriture, descendants de ceux que nous pourchassions à l’ancien camp. 

Je pars à la rencontre de Pierre Michel (PMA) et de son épouse. Ils arriveront à 8 heures à la station supérieure du téléphérique. Je vais récupérer une partie de mon matériel spéléo et les alléger de cordes et autres matériels indispensables à nos activités.

Sur le chemin je croise un troupeau de moutons accompagnés par une nouveauté : 2 patous agressifs. Me voilà obligé d’effectuer un long détour. J’arrive à temps au téléphérique. Il aurait été stupide de manquer l’arrivée de la famille Abadie aisément reconnaissable à leurs sacs à dos.

Une fois au camp, alors que PMA et Isabelle installent leur tente, je reconstitue un équipement spéléo. PMA me prête une combinaison, un casque avec un éclairage dont je découvrirai dans quelques heures les qualités. Gérard m’a préparé l’accastillage mais il va manquer le torse. Yann me sauve par un équipement. Finalement ma seule contribution seront mes sous-vêtements et mon baudrier de montagne.

Le programme de la journée est le I25 situé entre le M2 et le I19.  Découvert en 74, il n’avait pas donné de suites comme tant d’autres. En 1982, Fabrice et Christophe, en redécouvrent l’entrée. Le violent courant d’air ne leur avait pas échappé. La suite du  L 12, que nous venions d’explorer à plus de -400, ne paraissait pas évidente.  Il nous restait encore, cette année-là, 2 journées à occuper. Nous étions en manque de rêves pour l’année suivante. Le camp se terminait sans de vrais espoirs. 


Dans le cadre de Picos Siempre je proposais une visite de courtoisie au I25 qui, généreusement, nous offrit une très belle suite. Mélange de nostalgie et de curiosité, je souhaitais rendre concret le récit rédigé dans le livre La Crue.

40 ans après il n’est plus questions d’explo en solitaire : PMA, devenu Instructeur fédéral et Bernard, retraité de la médecine, assureront un encadrement hors norme ! 

Gérard et Eric en partance pour le M2 s’arrêtent nous voir. Je perçois chez eux une certaine fébrilité de me voir ainsi harnaché. Les conseils fusent, ils ajustent à tour de rôle mon équipement, donnent des conseils et n’hésitent pas à m’expliquer dans quel sens positionner la corde dans le descendeur… Donnerai- je extérieurement des symptômes d’Alzheimer ?

PMA s’engage dans la cavité et je découvre, avec les commentaires, les nouvelles techniques d’équipement. Notre corde de 8mm verte est très photogénique. Avec ma GoPro je tente de ramener des souvenirs animés. La descente s’effectue sur une pente de neige puis de glace mêlée. Je distingue sous moi PMA fractionnant à tout va avec sa perceuse multi vitesses.  Une belle colonne de glace partage la galerie. Posée sur la neige, elle semble marquer la fin de l’hiver et attend avec impatience les bonnes conditions pour dévaler la pente. Je rejoins PMA sur un plancher de débris de morceaux de glace, désagrégation typique des cavités glaciaires.  PMA râle, non pour les morceaux de glace qui l’ont percuté par ma faute lors de ma descente mais sur le foret de sa perceuse qui vient de se vriller. Malgré les années et les nouvelles techniques, les déboires matériels restent d’actualité.

La suite de la cavité se présente à l’identique, un passage étroit entre la neige-glace et la paroi. Un fort courant d’air en maintient l’ouverture. J’y précipite quelques gros blocs de glace. Au bout de quelques secondes raisonne leur impact dans le grand puits du I19 ou sur un relais. Je pousse quelques hurlements dont l’écho confirme le vide sous-jacent.

Bernard vient d’arriver. Je lui montre la suite. Son hochement de tête et le silence qui l’accompagne confirment, un avis déjà partagé avec PMA, qu’il serait dommage de manquer l’apéro par un excès de zèle… La suite de la cavité est connue. Je conserverai intactes les sensations de la découverte sans en matérialiser les images. Après toutes ces années, je reste très surpris de mon audace par mon équipement d’époque. Quelques anneaux de corde et 2 spits m’avaient suffi pour atteindre la base du puits de 110m. Evidemment la corde de 10,5 mm voire un peu plus s’affranchissait des frottements intempestifs. J’apprécie la puissance de mon éclairage, à 700€, qui illumine les cheminées et la suite verticale. Nos acétylènes donnaient du mystère à notre environnement proche. C’était une autre ambiance.

La remontée sera un peu laborieuse sur ces murs de neige avec un équipement perso « de bric et de broc » et une technique de progression émoussée par le temps. Je me surprends par de vieux réflexes aux franchissements afin de ne pas brûler la corde par la flamme de l’acétylène.

Au camp nous retrouvons les Dexant, les Trouvé pour une très belle soirée organisée par l’équipe de spéléos : Moscatel, foie gras…et discours en Français et Espagnol.

Le M2 restituera un peu plus tard Eric et Gérard qui complèteront la photo de groupe. 

Mardi 19 juillet.

Equipe HS4/ grotte glacée Bernard (s) PMA, Patrice

En surface et randonnée : Isabelle, Ginette, Gil et Philippe 

Nous partons à 8 heures au HS4 avec l’équipe de pointe. Bernard H nous servira de guide dans la cavité pour atteindre la partie glacée, la plus accessible. 

Le parcours en surface sur le lapiaz est grandiose entre Veronica et l’entrée de la cavité : de beaux passages aériens avec un contournement possible pour nos accompagnatrices encadrées par Claude et PMA. 

La suite que nous découvrirons, cachée sous des tonnes de neige, est aussi spectaculaire. L’entrée est un vaste entonnoir réceptacle des neiges hivernales que l’on parcourt crampons aux pieds. Des parois verticales de plusieurs dizaines de mètres l’encerclent. Leurs relais sont encombrés de blocs instables. Ceux en suspens, dans les couloirs, glisseront sur la neige lorsque le soleil les atteindra.

C’est un ensemble de puits de plus de 200 mètres, en partie comblés par la neige et la glace, dans ses tréfonds. Il laisse passer avec parcimonie les explorateurs.  Voilà une cavité vivante qui se mérite. Un fort courant d’air aléatoire tente de les tromper. Tous les ans il est nécessaire de chercher le passage entre la neige et la paroi. Parfois il se dérobe. C’est un K5 à la puissance 10. Même s’il est difficile d’extrapoler par rapport au système M2/I19/K5, on imagine que le ruisseau, issu de la fonte, a creusé sous la montagne de vastes volumes. 


Après notre entrainement de la veille, la descente est aisée. Une bifurcation nous conduit vers une superbe partie glacée. L’autre emporte l’équipe de pointe vers l’inconnu.

Bernard H réalise des photographies de paysages de glaces d’une transparence incroyable. Encore de beaux souvenirs pour nos soirées d’hiver. Nous servons de sujets avec quelques poses inhabituelles. Je ne regrette pas mes deux couches de sous-vêtements qui m’isolent des températures polaires environnantes. 

La remontée est plus facile que la veille car j’ai mis de l’ordre dans mes appareils : de gaucher me voilà droitier.

En surface nous retrouvons Isabelle et Ginette qui, stoïques, nous ont attendus. Leurs discussions, des conneries de fille (sic), n’auront pas d’écoute et s’effilocheront dans les rafales de vents…

Le retour est plus confortable que l’aller même s’il faut parfois chercher son chemin au mili

eu de ce chaos de roches. Nous passerons devant le A8 exploré au début des années 1970. Le D11 ne sera pas retrouvé mais pas vraiment cherché. Durant les premières années, le camp de l’ASC se situait près de la cabane de Veronica. Il laissera de nombreux souvenirs aux Charentais de l’époque ici présents (Gil, Paul, Dominique et Michel). Désormais, le refuge de Veronica est gardé et propose une offre de boissons. Il y a 50 ans, sa fortune aurait été assurée.

De retour au camp, sous un soleil brûlant, pour nous rafraichir, nous prenons une bière à proximité de la mine et de sa climatisation. Le réglage de la température est obtenu par un judicieux positionnement de nos assises.

Dans la soirée l’équipe de pointe revient avec de bonnes nouvelles du HS4 : une suite et arrêt sur rien ! L’intendant craint pour son stock de Moscatel….

Merci Patrice pour cet emprunt de prose.

Mercredi 19 juillet.

Dernière journée : déjà… !

Pas de spéléo au programme mais une tentative de montée au sommet de la Peña Vieja, dont nous ne ferons pas les 200 derniers mètres. Rocher trop délité à notre gout et notre âge. 

Les tentes sont démontées, les sacs retrouvent leur contenu avec la poussière du terril en surplus. Nous rentrons en France laissant une partie de l’équipe poursuivre l’aventure.

Notre séjour par sa courte durée n’occultera pas son intensité et les relations nouées ou retrouvées.  Il reste pour certains d’entre nous, anciens ou nouveaux, une fascination difficilement explicable pour ces montagnes austères. Depuis plus de 50 ans elles s’enrichissent d’histoires humaines.


Le film du camp réalisé par Isa en cliquant ici Les Picos 2022


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