Carcabon, le grand retour

Depuis le début du mois de juillet, la sécheresse n'a pas épargné la Cantabria pourtant réputée pour son climat plutôt humide. Les niveaux sont au plus bas et la canicule a boosté les courants d'air. Du coup, nous ne chômons pas depuis la mi-juillet. Les recherches vont bon train et certaines semblent vouloir déboucher sur des découvertes intéressantes que nous aborderons dans un prochain compte rendu. 
 
Les niveaux très bas permettent d'aller revoir sereinement
certains terminus actifs.

 
Mais cela a été aussi l'occasion de reprendre les explos dans la cueva del Carcabon dans laquelle nous n'avions pas trempé les bottes depuis 3 ans. Je vous livre les comptes rendus de deux sorties réalisées dans cette cavité qui est loin d'avoir dit son dernier mot.

Mercredi 13 juillet 2022

(P. Degouve, J.M. Duché, A. Fuentes (AER), P. Mathios)

Toutes les conditions sont réunies pour retourner dans cette cavité particulièrement sensible aux montées d’eau. Vu la canicule ambiante, le courant d’air est évidemment très fort et dans les voûtes basses il crée des vagues à la surface des bassins (voir la vidéo en fin d'article). La progression jusqu’au second lac reste assez pénible. 

Le second lac ne laisse une revanche
que d'un ou deux mètres.


Heureusement, nous nous arrêtons peu après le vestiaire pour faire des escalades que nous avions repérées depuis longtemps. Patrick réalise la première (environ 12 m) mais elle s’arrête sur une coulée sans suite. Gelo attaque la seconde, plus haute, mais là, c’est la batterie qui fait défaut et il doit abandonner au bout de 7 à 8 m de montée. 

Gelo au départ de l'escalade.
On distingue un gros vide une vingtaine de mètres plus haut.


Pendant ce temps, Jean-Marc et Philippe vont voir l’actif qu’on entend en contrebas de la salle. Celui-ci est visible sur quelques mètres et sort d’un siphon. Le débit est estimé à 15 l/s. 

L'équipe de choc

Retour tranquille après 8 h d’explo.
 
Le compte rendu de Gelo sur le site de l'AER c'est ici et c'est très sympa.

Dimanche 24 juillet

(P. Degouve, A. Fuentes (Gelo)(AER), R. Martinez(AER))

Cette-fois-ci nous retournons à Carcabon pour un bivouac de 2 jours. La météo est stable et les prévisions sont rassurantes. Avec les épisodes COVID à répétition, une météo parfois aléatoire et le manque de disponibilité des uns ou des autres, cela fait finalement 3 ans que nous ne sommes pas retournés à l’endroit du bivouac. 

La remontée argileuse juste après le 1°lac.
En crue elle est complètement noyée.


Nous entrons dans la cavité vers 9 h et heureusement les sujets de conversation ne manquent pas pour tuer le temps dans l’interminable ramping de la via Coloscopia. La crainte de voir nos affaires emportées par les crues exceptionnelles de cette année n’est pourtant pas évoquée dans nos discussions mais reste présente dans nos esprits. La semaine précédente nous avions déjà constaté le mauvais état de certains équipements notamment les mousquetons de déviateurs en alliage léger. 

Mousqueton de déviateur après 3 ans.

Comme nous avons le perfo, nous prévoyons de revoir ça au retour. Au total et en progressant à un bon rythme, il nous faut un peu plus de 3h 30 pour accéder au bivouac et constater que finalement, rien n’a bougé. Cette fois-ci nous en sommes certains, le bivouac est hors d’eau quelque soit l’intensité des crues.

Le boulevard des Méduses juste avant le bivouac.

Nous vidons nos sacs du matériel de couchage et de bivouac, cassons la croûte avant de repartir en direction du fond. Au passage, nous essayons de trouver de l’eau pour le soir et le lendemain, mais le bassin le plus proche a une couleur verdâtre due probablement à une pollution venant de la surface (lisier ?). C’est effectivement un comble de ne pas trouver facilement de l’eau dans une cavité qui est presque entièrement noyée en période de crue. Finalement en cherchant un peu et en canalisant une petite arrivée d’eau nous parvenons à reconstituer nos réserves. 

Les fois précédentes nous nous étions plutôt intéressés aux conduits supérieurs prolongeant la galerie del Callejo délaissant au passage un gros départ qui semblait plutôt rejoindre les niveaux phréatiques. Ce sera donc l’objectif du jour et pour l’atteindre il nous faut encore 2 bonnes heures de progression, tantôt argileuse, tantôt chaotique et entrecoupée de quelques petits puits. En 2016, nous nous étions arrêtés au bord d’une rampe très raide dominant ce qui semblait être un carrefour de galeries. Celle-ci est vite équipée par Gelo que nous rejoignons une dizaine de mètres plus bas. 

 

Le terminus de 2016, une rampe très raide équipée par Gelo.

L’endroit est complexe mais les départs multiples semblent converger vers un conduit situé encore une dizaine de mètres plus bas. Chacun essaie de trouver le meilleur passage : Gelo part à droite du côté de ce qui pourrait être un aval, Ricardo et moi fouillons le côté gauche où deux gros départs nous tendent les bras. Le premier s’arrête sur une rampe qu’il faudrait équiper. Le second rejoint un petit labyrinthe débouchant visiblement sur le même conduit mais qu’il est possible d’atteindre par deux petits ressauts.

 

C'est gros et il y a des départs partout.
Lequel choisir ?


Gelo nous rejoint, mais de son côté, cela semble partir également dans tous les sens. La galerie dans laquelle nous nous retrouvons est désormais horizontale et se dirige vers l’amont du réseau. Nous attaquons la topo tout en progressant. Le conduit (10 x 10 m en moyenne) est agréable à parcourir mais l’argile qui tapissent le sol et recouvrent les parois d’une fine particule ne laissent guère de doute sur l’ennoiement du secteur en période de hautes eaux. 

 





Dans cette partie qui doit s'ennoyer épisodiquement,
l'eau est finalement assez rare.


Quelques rares concrétions couvertes d'argile témoignent
d'épisodes durant lesquels les niveaux était plus bas.


Le tube de l'été.

Nous préférons poursuivre sur le niveau initial d’autant plus que sur la droite d’autres galeries descendent dans le pendage et il est intéressant de les localiser. Plus loin, nous devons traverser quelques zones d’éboulis provenant de la galerie supérieure, puis la progression reprend sans trop de difficultés. 


Nous avons progressé de plus de 600 m dans ce beau conduit et délaissé 5 à 6 beaux départs sur la droite. Ceux de gauche sont encore plus nombreux, mais redonnent de toute évidence dans le gros conduit parallèle. A cet endroit, un nouveau carrefour se présente et surtout, nous entendons pour la première fois le grondement d’une rivière probablement assez conséquente. La galerie marque un net virage à droite et rejoint le sommet d’un canyon où coule le ruisseau. Cela semble assez profond et il faut équiper. 

La galerie supérieure
 
Pendant que Gelo s’en charge, nous fouillons et topographions les autres départs. Le premier, assez vaste, rejoint un entonnoir qu’il faudrait équiper et bien que nous ne l’entendions pas, il est probable qu’il rejoigne la rivière. En face, le conduit semble également se poursuivre… Le second se situe au bas du premier ressaut que vient d’équiper Gelo. C’est un beau conduit horizontal (3 x 4 m) et qui rejoint une cinquantaine de mètres plus loin la galerie par laquelle nous sommes venus. De son côté, Gelo n’a pas pu atteindre le cours d’eau par manque de corde. A défaut il a équipé une traversée qui lui a permis de rejoindre une salle d’où il lui a été possible de voir l’aval de la rivière qui semble se terminer par un siphon. Mais là aussi il reste également un conduit à voir de l’autre côté du puits. Nous n’irons pas plus loin pour aujourd’hui d’autant plus que le genou de Ricardo le fait souffrir et le bivouac est encore loin. Pour le retour nous décidons de passer par la grande galerie parallèle tout en effectuant la topo. 

Toujours plus grand...

C’est effectivement assez énorme car le conduit fait en moyenne 20 à 25 m de large pour 10 à 15 m de haut. Nous progressons la plupart du temps sur de grandes pentes argileuses traversées à plusieurs reprises d’entailles formées par des écoulements venant de la droite et de conduits qui restent à explorer. Nous topographions ce beau conduit sur 250 m environ, jusqu’à l’endroit reconnu par Ricardo lors de l’aller. 

 

Un peu de blancheur dans cet univers
plutot sinistre en raison de l'argile.


En aval la galerie se poursuit mais nécessitera probablement des équipements. Revenus au point de départ de notre topo, nous effectuons le raccord avec la base de la 1° rampe équipée par Gelo puis, avant de remonter nous allons dérouler quelques visées en amont pour voir notamment si un shunt de ce premier puits ne serait pas réalisable. Il l’est et au bout de 180 m nous ressortons dans la salle ébouleuse précédent le terminus de 2016. Dans cette branche nous avons délaissé encore un beau conduit se dirigeant vers l’aval. Mais ce sera pour une prochaine fois, cela fait plus de 12 h que nous crapahutons et le bivouac est encore à 2 h avec quelques passages légèrement besogneux. Nous y parvenons à 11 h du soir, bien calmés.

Cela ne nous empêche pas de tester les contributions gastronomiques de chacun à savoir les lyophilisés de Décathlon de Gelo et la purée aux sardines que nous avions l’habitude de déguster lors des explos à la Gándara. Nous rejoignons nos duvets vers minuit passé. 

A 7 h 30 nous sommes debout avec chacun des petites douleurs à droite ou à gauche. Il faut que la machine se remette en route…


Désormais plus rien ne presse vraiment et nous rentrons tranquillement en faisant quelques photos et en perfectionnant le balisage. Puis il faut remettre la néoprène mouillée pour ceux qui n’ ont pas de combinaison sèche, traverser un premier lac, remonter des petits puits argileux, en redescendre d’autres pour finalement nager à nouveau avant de terminer par la via Coloscopia, boyau glaiseux et glissant entrecoupé de vasques et long de 200 m, le tout parcouru par un violent courant d’air qui n’incite guère à la flânerie. Comme cela était prévu, nous en profitons pour revoir un peu l’équipement. A 14 h nous sommes dehors. 

 

 Un petit aperçu de la progression dans la via Coloscopia

Au total nous avons ajouté 1430 m de nouvelles galeries qui se développent parallèlement au réseau connu, mais environ 200 m plus au nord. Le développement total dépasse les 12 km. La rivière à proximité de laquelle nous nous sommes arrêtés semble être transversale et dans ce cas elle pourrait drainer le secteur de sierra la Verde, mais cela reste à confirmer. Le potentiel est évidemment très important, mais au-delà des chiffres les prochaines explorations devraient permettre d’en savoir plus sur les circulations au nord de l’Hornijo. Il reste toujours à trouver une autre entrée moins exposée aux variations météorologiques, mais de ce côté, la partie est loin d’être gagnée.


 

Patrick
(Photos et vidéos de Gelo et Patrick)

Commentaires

  1. Impressionante cavitée ! Merci pour le CR et les photos, très sympas !

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  2. Bravo et un grand merci. Coloscopia, cela fait penser un peu à la m... et j'ai l'impression qu'elle y est bien épaisse. Heureusement (!) qu'au retour il faut repasser dans l'eau pour se décrotter.
    Merci pour ces belles photos et de nous faire vivre ces grands moments de découverte et d'émotion. A quand une sortie amont et l'espoir d'ne traversée cloaquique ?

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