Souvenirs de galère à la cabane d’Espadre

Par Pierre Callot

 Le Mass m’ayant envoyé récemment des photos de la cabane d’Espadre complètement enfouie sous la neige, cela nous a rappelé quelques galères passées lors de nos raids hivernaux dans le SC132 dit « La Ratasse ».

La première galère date d’Avril 2003. Nous avions décidé avec Julio et Gaël de faire un raid, après un hiver où il avait pas mal neigé et pendant lequel nous n’avions pas eu l’occasion de monter à Espadre. Julio et moi venions de Toulouse et avions décidé de monter dès le vendredi soir dormir à la cabane pour ne pas avoir à se lever aux aurores le samedi matin, malgré une météo pas terrible qui devait s’améliorer le lendemain. Gaël de son côté, venait de moins loin et avait préféré monter le samedi matin. Nous partons donc du départ de la piste le vendredi soir vers 22h, motivés… et chargés à bloc. C’est une première pour Julio qui n’est jamais venu à Espadre. Il fait frais mais l’ambiance est bonne et la marche réchauffe. Rapidement, cependant, il commence à tomber une petite pluie fine, qui se transforme au col d’Andorre en neige. Entre la transpiration et la pluie-neige, on est rapidement trempé, et je dois enlever mes lunettes qui sont complètement embuées. Mais on se dit que ce n’est pas grave, on sera bientôt à la cabane où il y a un stock de bois sec pour faire un feu et sécher tout ça. Aux alentours de minuit, nous arrivons à proximité de la cabane, dans le petit bois. Moi sans lunettes et de nuit, je n’y vois pas à plus de 4 mètres, mais je connais le chemin comme ma poche donc pas de problèmes.
-      « - Julio, on arrive, la cabane doit être juste devant.
-      … heu, je vois rien…
-      Mais si, elle doit être juste là !
-      Ah oui, il y a quelque chose, mais ça ressemble pas vraiment à une cabane, on dirait plutôt des ruines… »
Je me dis, houla, le Julio il a déjà pris une claque dans la montée, des ruines notre belle cabane, il délire ! Mais arrivé à portée de mon champ visuel réduit, surprise : effectivement, cela ne ressemble plus du tout à la belle cabane qu’on avait laissé quelques mois auparavant. Les trois quarts du toit se sont effondrés sous le poids de la neige, la table, les bancs, le poêle, sont sous la neige ou les tôles.
Seule la cuisine a été relativement épargnée, une poutre ayant résisté. Mais tout est humide et ouvert à tous les vents, et il continue de neiger doucement. Il est minuit passé, et on se demande ce qu’on fait. Retourner aux voitures, c’est deux heures de marche, avec tout le barda, puis la route jusqu’à Vic-en-Bigorre chez mes parents. Au mieux, on arrivera à 3h30 ou 4h du matin, et on ne se le sent pas trop… On décide donc finalement mettre les sous-combis, nos affaires étant trempées, et de récupérer des tôles effondrées pour fabriquer un abri dans la partie la moins humide, la cuisine.
On fait un petit feu dans la cheminée, qui ne nous réchauffera guère, tout étant ouvert aux 4 vents. Julio a un duvet neuf et dort quelques heures, ce qui n’est pas mon cas. Il fait froid, ça goutte de partout et je me caille. Je sens que je suis en train d’attraper la crève. Aux aurores, je finis par me lever pour marcher un peu et me réchauffer.
 Effectivement, la météo ne s’est pas planté, il fait beau, avec la neige de cette nuit c’est magnifique.
 Gaël arrive sur le coup de 9h, mais vu notre nuit, on n’a pas du tout envie de faire un raid au fond. Ce sera retour dans la vallée puis sur Toulouse pour soigner la crève…



L’année suivante, en Novembre 2004, nous décidons de faire un raid de fin d’automne, encore avec Julio, et cette fois-ci accompagné d’Olivier. La météo annonce de la neige, alors autant monter le soir : ce sera dur juste pour la montée et ensuite on se réchauffera avec un bon feu, alors que si on monte le samedi matin, on sera trempés avant de rentrer dans le trou. La cabane a été restaurée l’année dernière et cette fois-ci elle n’est pas prête de tomber !
On a du mal à arriver au départ de la piste : le camion d’Olivier ne veut pas monter. Mais ce n’est pas ça qui va nous arrêter, le moral est au top, contrairement à ce qu’avait annoncé la météo il ne neige pas, donc on met tout dans la Nevada et on continue.

On se prépare, comme d’habitude bien chargé, et on démarre vers 18h, quand la nuit tombe. Quelques minutes plus tard, alors qu’on n’est même pas arrivés au bout de la piste il commence à neiger et on doit enfiler les vestes.
On est motivés, et on continue ! Mais le petit raidillon avant d’arriver à la cabane du col d’Andorre est un chemin de croix. On s’enfonce à chaque pas dans la neige fraîche, il vente comme pas possible et on n’y voit rien. On met un temps pas possible à arriver à la cabane du col d’Andorre, où une pause s’impose : on est déjà dans un état pas possible.
On décide de sécher un peu et de manger un bout. De toute façon, dehors c’est la tempête, inutile d’insister… On se demande ce que l’on va faire ensuite. Continuer, cela semble difficile. Vu la galère pour arriver sous le col d’Andorre, on va mettre un temps pas possible pour arriver à la cabane d’Espadre : il reste encore la dernière montée avant le col d’Andorre, puis le passage dans le bois, et surtout la montée au col d’Espadre qui risque d’être coton dans la neige fraîche. Et malgré tout, on a le souvenir de l’arrivée l’année précédente avec la cabane effondrée. On a confiance dans la nouvelle cabane, beaucoup plus solide, mais il subsiste un petit doute… A l’unanimité, la décision est prise de rebrousser chemin. Il y a justement une accalmie, il ne neige presque plus, on remet les vestes mouillées et on fonce autant que nous le permettent les charges qu’on a sur le dos. L’accalmie sera cependant de courte durée, malgré une descente éclair, on arrive à la voiture sous la neige. On se dit qu’on a bien fait de faire demi-tour, les galères, ça va un moment…
Pierre Callot

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