La 3ème vague du Quéou

Samedi 10 juillet 2021 

Ce devait être du beau temps mais la météo n'est pas une science exacte et le massif se retrouve enveloppé par un épais et humide brouillard. Du coup, la prospection pour trouver une autre entrée au Quéou a un peu tourné court (voir article précédent) vu le manque de visibilité. Il est 15 h passé, on n'y voit strictement rien et finalement nous sommes revenus au refuge pour attendre l'équipe qui doit descendre dans le Quéou afin de continuer l'exploration de l'affluent des Sangsues. Vers 15 h 45, nous percevons des voix puis reconnaissons celle de Damien en grande conversation avec le reste du groupe. Quel bavard et même pas essoufflé par la montée... Avec lui, Jean, Pierre et Maël qui découvre pour la première fois le secteur. Congratulations : pas trop dure la montée ? sale temps, ben oui ils n'avaient pas dit ça à la météo. Oh mon pauvre monsieur, c'est le changement climatique, et ce sera pire lundi, quel temps de merde....

Pendant ce temps, je peaufine mon sac, hésite sur la façon de m'habiller, sous combine ou simple tee shirt. Jean, lui, a opté pour le nu intégral sous la combine, moi, plus pudique, je vais garder finalement la bonne vieille bury. Je ne vais pas courir dans les galeries et de toute façon je n'y arriverais pas. Vero, Sandrine, Bubu et le Mass regagnent la vallée. Nous, nous partons dans l'autre sens au jugé. Nous n'y voyons toujours rien, pourvu que nous n'ayons pas la même météo dans le trou.

Montage des hamacs, Damien et Maël avec leurs super chaussures Intermarché.
 
Il doit être 16 h 30 lorsque nous commençons la descente. Le fait de bivouaquer impose un peu plus de matériel et Damien et Maël se retrouvent avec deux kits chacun. En plus ils étrennent un sac spéléo très particulier, fabriqué aux Etats Unis par un cowboy  texan. Imaginez un gros oreiller en plastique, gonflé comme une outre et maintenu par des sangles qu'on dispose à volonté pour en faire des longes ou des bretelles. C'est étanche, increvable, garanti à vie. Enfin c'est ce que dit le cowboy...

Damien et Jean en grandes discussions

 

Pendant que Pierre cuisine

 
Home sweet  home

Donc nous voici partis à la queue leu leu, les uns avec un kit, les autres avec un sac sherpa et les derniers leur oreiller texan. Le rythme est régulier et nous atteignons le bivouac de -450 m vers 20 h. Il n'y a plus de brouillard, mais le niveau d'eau n'est pas au plus bas. Nous installons 3 hamacs pour Damien, Maël et moi. Pierre et Jean préfèrent dormir au sol sur d'épais thermarest. La séance repas est le temps fort de la soirée, on compare les sachets lyophilisés, on parle popote et réchaud et surtout on fait honneur car nous en avions bien besoin. A 9 h tout le monde est au lit...

Pause cigarette avant de se coucher
 

Jean réfléchit à la tenue qu'il mettra demain...


 Dimanche 11 juillet

Le réveil sonne à 6 h 30. En fait il n'y avait pas vraiment de réveil mais après une dizaine d'heures de sommeil il y a des envies qui valent tous les réveils du monde. Globalement la nuit a été bonne pour tout le monde malgré la proximité de la rivière qui cascade à quelques mètres seulement de nos couchages. Nous levons le camp vers 8 h après avoir encore débattu  sur la meilleure stratégie vestimentaire pour franchir le laminoir aquatique des Sangsues. Celui-ci est franchement humide et il est bien difficile de ne pas être complètement trempé.

A la sortie du laminoir des Sangsues
 
Derrière nous remettons des sous combines sèches. Les oreillers texans n'ont visiblement pas pris l'eau. Puis c'est la remontée dans le nouveau réseau. Pierre et Jean sont partis devant pour commencer l'escalade d'un gros trou noir que nous avions repéré en octobre dernier.  Elle se situe à environ 300 m de la sortie du laminoir et semble constituer la suite logique de la grande galerie, dans sa partie fossile.

La galerie active en contrebas de l'escalade.

Nous, nous poursuivons un peu plus loin pour continuer et topographier une galerie latérale reconnue la fois précédente par Damien et Adrien. C'est un conduit assez complexe qui se développe parallèlement à l'axe principal. En fait, nous effectuons plusieurs boucles qui nous ramènent  à la rivière. En hauteur, nous nous heurtons presque toujours à d'énormes éboulis coincés le long de la paroi inclinée. Leur origine reste énigmatique mais pourrait bien correspondre à la présence d'un niveau supérieur en lien avec l'escalade de Jean et Pierre. Au total nous topographions environ 300 m de conduits.

 

Entre paroi et éboulis, il y a toujours un peu de place pour passer

Du côté de l'escalade, ils n'ont pas chômé. Jean raconte :

"Avec mon père nous attaquons l'escalade de ce grand trou noir qui vient perforer le plafond de la nouvelle branche du Quéou. Nous utilisons une corde de 20m dynamique très fine pour s'assurer et le premier de cordée fixe en montant une corde statique pour que le second puisse le rejoindre au relais sans avoir à remonter sur la corde dynamique. Nous progressons donc en "bonds" successifs de 20m... La première longueur commence par une demi-douzaine de mètres verticaux franchis en artif puis continue par une rampe inclinée qui permet de grimper en libre. Arrivés au premier relais on comprend vite qu'on va devoir utiliser toutes nos cordes et tout notre matériel car l'escalade continue à perte de vue ! On est passé en mode économie de matériel : lunules forées, nœud directement dans les plaquettes, cabestans, relais sur mono point... La deuxième longueur ne révèle toujours pas la suite. Enfin au bout de la troisième longueur on entrevoit le sommet de cette galerie abrupte. Il semble être constitué d'un enchevêtrement de blocs, rien de bien engageant... On vient de fixer l'intégralité de nos bouts de cordes statiques. Il reste au moins une longueur pour atteindre le sommet, elle se fera donc uniquement avec la corde dynamique de 7,5mm... Heureusement l'escalade n'est pas très raide et permet de grimper un peu en libre, un peu en artif, ça permet d'avancer relativement vite et surtout sans trop de matériel, ce dernier venant à manquer. Arrivés en bout de corde au terminus de ce conduit vertical on constate que le passage aperçu est une sordide étroiture entre des blocs branlants. Pas de prise de risque inutile, en deux petits rappels de 10m on regagne le départ des cordes statiques qui nous permettent de retrouver rapidement le plancher des vaches ! En conclusion, un résultat décevant mais une expérience incroyable perchés dans cette grande cheminée, le vide du nouveau réseau sous nos pieds !"

Coupe schématique de l'escalade

Vers midi, nous les retrouvons pour casser la croûte. Puis nous repartons vers l'amont afin de revoir le fond du ruisseau et poursuivre la topo de l'axe principal. La pente est toujours aussi raide et le conduit continue de gagner de l'altitude par crans successifs toujours franchissables en escalade et sans corde. 

La pente s'accentue aux abords du terminus de 2020

Depuis le laminoir des Sangsues nous sommes remontés de plus de 220 m lorsque curieusement nous tombons sur un conduit horizontal fossile. Le ruisseau, quant à lui, sort d'un méandre impénétrable. Nous progressons encore d'une trentaine de mètres mais les parois se resserrent progressivement, il n'y a pas d'air et la suite est impénétrable. Damien s'enfile dans un boyau latéral retrouve un peu de volume, mais il n'y a pas d'air non plus. Nous le topographions. 

 

Au terminus du ruisseau principal.
La galerie devenue horizontale est bordée de remplissage parsemé d'ophite

L'heure tourne mais avant de sortie nous voulons revoir un petit boyau latéral d'où sort un fort courant d'air. Il n'est probablement pas là par hasard. Au choix, nous avons une escalade un peu expo ou un boyau avec l'actif, version "je fais le plein de la combine". Damien se risque dans l'escalade et Pierre dans le boyau. Pour le moment je préfère compter les points... Pierre nous annonce que c'est un peu plus grand derrière tandis que Damien trouve l'escalade un peu trop expo sans protection. Mince, il va falloir se remouiller ! 

 

Accès à l'affluent

En passant rapidement on limite un peu la casse et effectivement après deux étroitures nous parvenons dans une galerie plus ample qui continue de remonter le long de coulées stalagmitiques lavées par le ruisseau. Puis soudain, en levant la tête nous nous apercevons que ce n'est pas grand, mais très grand. En fait, nous venons de déboucher dans une énorme galerie fossile par une sorte de soutirage creusé par le ruisseau et qui a entaillé un conduit plus ancien mais aussi plus vaste. Nous grimpons alors sur le remplissage afin de prendre de la hauteur et d'évaluer la taille du conduit. Celui-ci fait 30 à 40 m de large et la hauteur dépasse les 20 m à l'endroit où le ruisseau entaille le remplissage. A priori, il n'y a qu'un amont. L'aval, s'il existe, a été comblé par le remplissage. Curieusement le profil de la voûte semble horizontal alors que jusqu'à présent nous n'avons cessé de remonter. Sur la droite, une fracture (miroir de faille) borde le conduit selon l'axe global de la cavité (NW-SE). Nous éclairons la suite, 80, 100 mètres voire plus. Pas de doute, cela continue franchement. A défaut de topographie (le matériel est resté avant les étroitures) nous estimons la remontée à une cinquantaine de mètres par rapport à la rivière, soit près de 250 m par rapport au laminoir des Sangsues. Mais les plus raisonnables estiment qu'il est bien tard pour attaquer une nouvelle explo. Alors, résignés, nous prenons le chemin du retour après que Maël ait tenté de photographier la suite pour graver nos mémoires et partager cette vision avec les copains.

 

La galerie à notre terminus.
Au premier plan, le remplissage est entaillé par le ruisseau sur 15 à 20 m de hauteur.
Sur la droite on devine la fracture qui longe le conduit.

 

L'aval de la grande galerie

 
Un profil plutôt horizontal

La suite est moins marrante. Il faut redescendre les cascades et toboggans du nouveau réseau (ça s'est rigolo), remettre ses sous vêtement mouillés ou faire à l'arrache en essayant de franchir au plus vite les cinquante mètres du laminoir aquatique (franchement pas rigolo), revenir au bivouac (ça va à peu près), casser une petit graine avec ce qui reste de disponible (c'est bon à prendre) puis attaquer la remontée (c'est un franchement besogneux après 10 h d'explo). 

Dans les ressauts de l'amont.

 

Finalement nous revoyons le jour vers 20 h 45. Il fait encore clair mais un grondement suspect nous signale que le farniente sur les pentes herbeuses du Miquéou ne sera pas d'actualité ce soir. D'ailleurs les premières gouttes surviennent avant même d'arriver à la cabane. Heureusement, le gros de l'orage éclate alors que nous y sommes à l'abri. Une demi heure plus tard nous pouvons reprendre la descente et à 22 h 30 nous sommes au voiture. Une bien belle sortie avec une équipe d'enfer ....

L'orage menace


Note technique concernant le sac texan : visiblement il a bien tenu, il était toujours aussi gonflé à la sortie. Dans les méandre et étroitures il semble bien passer (il rebondit comme un ballon de basket) et puis quand on en a marre de crapahuter cela fait un siège confortable. De toute façon je voyais mal Damien aller négocier une quelconque réclamation auprès d'un cowboy texan, probablement taillé pour élever des bisons et bien sûr armé du dernier Remington. A défaut cela fera toujours un coussin original pour un intérieur très design.

le lien pour enfin voir à quoi ça ressemble : https://www.derekbristol.com/packs

CR Patrick, Jean et Maël

 

Commentaires

  1. Quelle explo, mais quelle explo !

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  2. Formidable ! Et ça continue, encore et encore !

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  3. Un très grand bravo à toute l'équipe, on se croit revenu dans les années 80 où cela barrait de partout, TP19, TP30 et autre PH12.
    Belle explo, le massif de Saint Pé n'a pas encore dit son dernier mot.

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  4. J'ai commis un beau raccourcis en disant que l'origine des kits était Texane, ils sont en fait de Caroline du Nord ! Mais bon pour nous les frogz plutôt armés du trio béret baguette et rouge, les ricains sont tous des Texans en jean au doigt sur la gâchette!! J'en suis pour l'instant agréablement surpris, n'ayant pratiquement aucun angle ni accro, on peut le laisser court à la ceinture sans trop sans occuper... A voir dans le temps, bien sûr.
    Merci à l'équipe pour cette superbe sortie, je rêve déjà de la prochaine

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    1. Ton sac il est en toile du Ku klux clan ?😂😂😂

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    2. Certainement cousus par Caroline 😜😜

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    3. Pour y voir un peu plus clair, j'ai mis le lien du fabricant en fin d'article et ci-dessous. C'est vrai que le concept est intéressant mais je pense que dans bien des cas le volume est un peu juste pour nos activités. Il s'agit plus d'un sac perso qu'un kit à usage collectif. En tout cas il semble particulièrement adapté pour les réseaux aquatiques. Attendons que Damien et Adrien l'aient testé dans les cavités du Nistos.
      Le lien : https://www.derekbristol.com/packs

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    4. Incroyable ce Quéou ! Bravo à tous.
      Serge

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  5. Cavité vraiment surprenante ce Quéou ! Et ce n'est pas fini. Bravo et merci de faire rèver les vieilles tiges. :-)

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